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veur, à ses travaux, à ses actes, parce qu’il comprendra qu’il y a plusieurs manières de le servir, et qu’il lui importe qu’à côté des hommes qui proclament ses volontés, même ses fantaisies, il y en ait d’autres qui ne craignent pas de l’avertir et de le modérer. Quant au dévouement de la chambre des pairs à la révolution de juillet, il est réel ; il y a trop d’esprit politique dans cette assemblée, pour que la moindre pensée contre-révolutionnaire puisse y être caressée : quand on a vécu, quand on a traversé les affaires en s’y mêlant, on ne saurait avoir la folle idée d’imprimer aux destinés de son pays un recul violent qui n’engendrerait que des tempêtes. C’est le propre de l’esprit politique de se proposer le maintien et l’affermissement du présent, la préparation de l’avenir, mais jamais la résurrection du passé ; et aussi de reconnaître dans les révolutions qui savent durer, de véritables légitimités.

En résumé, de la vérité dans les faits politiques, un reflet fidèle de l’état social dans la sphère constitutionnelle, des rapports à la fois libres et réguliers entre les trois pouvoirs, des améliorations positives introduites dans les affaires publiques, des lois nécessaires au commerce et à la justice, conçues avec maturité, votées avec conscience[1] ; un ministère vraiment parlementaire, repoussant avec bonheur et fermeté les assauts passionnés de quelques capacités mécontentes ; l’autorité morale de la chambre des pairs s’établissant dans les esprits, voilà l’histoire de la session de 1838. On pourrait, dans nos annales représentatives, en montrer de plus dramatiques et de plus oratoires, mais peu d’aussi pratiquement utiles et vraies.

Maintenant s’ouvre pour le ministère une phase nouvelle. Le cabinet du 15 avril compte déjà dans son passé la fin de la session de 1837, l’amnistie, la dissolution, les élections générales, enfin, la première session d’une nouvelle chambre. Il a donc déjà fourni une carrière honorable ; et, quelles que soient les destinées qui l’attendent, les services qu’il a rendus lui assurent, dans l’histoire contemporaine, une place et un rôle. Voilà ce que devraient reconnaître même ses adversaires les plus ardens. Il n’y a d’avantage pour personne à nier ce que personne ne peut effacer : les faits accomplis. Les récriminations contre le passé sont toujours le signe d’une impuissante colère ; les hommes et les partis qui croient à leur force ne s’adressent qu’à l’avenir. Nous n’avons aucun goût à nous mettre en frais de prophéties sur les évènemens qui doivent se produire dans le cercle minis-

  1. Loi sur les faillites, loi sur les justices de paix.