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VOYAGE AU CAMP D’ABD-EL-KADER.

gers. L’état de délabrement dans lequel nous avons trouvé quelques-uns de ces caravansérails, ne donnerait pas une haute idée de l’hospitalité de leurs propriétaires. Dans la tribu des Beni-Maâned, par exemple, on nous a offert une gourbie ou, pour mieux dire, un squelette de gourbie qui abritait si peu de l’air extérieur, que nous avons presque tous préféré passer la nuit dehors auprès des feux. Les bestiaux avaient mangé le chaume qui formait jadis le toit de cette cabane, et les voyageurs avaient successivement arraché les bâtons qui en faisaient la charpente, pour alimenter le feu de leurs bivouacs. Une masse d’épines sèches entourait encore cette chétive demeure, et protégeait fort peu contre le vent glacial des montagnes qui, se glissant à travers les branches, arrivait jusque sur les dormeurs, comme par les trous d’un crible.

Chez les Aribs de Hamza, qui sont Arabes, il n’y avait que des guitoun. Les tentes sont en poils de chèvres, et s’appellent aussi beit-el-achar, ce qui signifie littéralement maison de poil. L’étoffe ne touche la terre qu’aux extrémités, dans le sens de la longueur. En avant et en arrière il y a un assez grand intervalle entre le sol et l’étoffe de la tente ; on remplit quelquefois cet intervalle par un petit mur en pierres sèches à hauteur d’appui, que l’on interrompt dans l’endroit où l’on veut faire l’entrée. La forme de ces guitoun est assez exactement celle d’un navire renversé qui aurait la quille en l’air. La distribution intérieure est presque partout la même. La tente est toujours divisée en deux parties égales par une cloison formée de plusieurs pieux entre lesquels on place les provisions renfermées dans des peaux d’animaux, quelques effets et les armes du maître. La partie située à droite en entrant est affectée aux hommes et se compose de deux pièces : celle qui touche la cloison et dont le sol est recouvert d’un tapis ou d’une natte, selon la fortune du propriétaire, est à la fois le salon et la chambre à coucher des hommes : à droite de cette partie et à l’extrémité de la tente, est un endroit bas et étroit, où, sur la terre nue, on place ordinairement les animaux nouveau-nés. On a soin de les attacher par des liens en paille à de petits piquets, précaution qui n’est pas inutile, car autrement ils vaguent la nuit dans le salon et vont se promener sur les hommes qui y dorment habituellement. À gauche de la cloison est le gynécée qui se divise aussi en deux pièces : un salon pour les femmes, qui sert également de chambre à coucher, et une cuisine placée tout-à-fait au bout de la tente. À l’entrée du guitoun, on suspend presque toujours des peaux d’animaux remplies d’eau ou de lait aigre.