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DE LA QUESTION COLONIALE.

conclurait qu’elle suffira pour donner tout le contingent d’affranchissemens ultérieurs qu’on est en droit d’obtenir ou des maîtres ou de la loi, ou du concours des esclaves eux-mêmes aidant à leur propre liberté. Malheureusement pour la confiance que nous voudrions avoir dans la fécondité du régime actuel, nous trouvons, relégué dans un coin de la même statistique officielle, un autre renseignement qu’il est bon de mettre un peu plus en lumière, de peur qu’il n’échappe aux explorateurs inattentifs. D’abord nous apercevons que le chiffre, constaté en 1835, de 17,579 affranchis depuis 1830, était encore le même au 1er janvier 1837. Cette nullité de progrès nous étonne. Est-ce une erreur dans la rédaction de la statistique officielle ? Qu’elle se charge de sa propre rectification, et nous l’accueillerons avec reconnaissance. Ce n’est pas tout ce que nous avons à dire. Les 17,579 individus qu’on nous présente sous la dénomination commune d’affranchis depuis 1830, se divisent en patronés, qui étaient déjà libres auparavant et ont reçu de la métropole un titre légal de liberté, et en esclaves réellement affranchis par la volonté des maîtres, grace aux facilités nouvelles accordées par l’ordonnance. De la fin de 1830 au mois d’août 1833, la statistique n’établit aucune distinction entre ces deux classes, quoiqu’elle eût pu en établir une sans doute, puisque l’acte relatif aux patronés est du 12 juillet 1832, et elle porte en masse, trop confusément selon nous, 5,597 affranchis : d’août 1833 au 31 décembre 1836, elle compte seulement 3,196 esclaves émancipés et 8,786 patronés confirmés dans la liberté dont ils jouissaient. Cela réduit beaucoup, comme l’on voit, sans compter ce que nous ne voyons pas, le magnifique résultat de 17,579 affranchis qu’on étalait sous nos yeux.

Il faut rendre à la Martinique une justice qui est due également aux autres colonies françaises. Les esclaves, s’ils ne s’acheminent pas vers une émancipation régulière aussi vite qu’on veut le faire croire, sont du moins bien traités, convenablement nourris, et ne travaillent que selon leurs forces ; leur santé est précieuse aux maîtres, surtout depuis l’abolition absolue de la traite, et tous les soins matériels leur sont assurés avec bienveillance. Nous n’avons jamais admis, sous ce rapport, les doléances déclamatoires de certains philantropes ; nous avions gardé le souvenir de ce qu’il nous a été donné de voir par nous-même. Pour ceux qui n’ont pas vu, il est important de remarquer qu’à la Martinique (il en est de même dans plusieurs autres colonies) la population esclave au-dessus de soixante ans est plus nombreuse, en proportion, que la population