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DE LA QUESTION COLONIALE.

Rien n’accuse plus hautement le vice du régime ancien et la longue négligence des gouvernemens qui se sont succédé sans y porter remède. Si l’administration publique reconnaît aujourd’hui avec douleur combien peu l’on a su mettre à profit les heureuses et bienveillantes dispositions de la classe dominante à la Guadeloupe, pour aider à l’avancement de la classe intermédiaire, encore ne serait-ce pas une raison pour nous cacher quel petit nombre d’hommes de couleur ont su, à titre de propriétaires fonciers ou à d’autres titres, conquérir les droits politiques concédés par la charte coloniale de 1833. C’est un point de départ qu’on ne devait pas nous déguiser, si humble qu’il puisse être ; aussi aimons-nous mieux croire à un innocent oubli de la statistique officielle, qui a été dressée, en effet, sans plan régulier, et n’offre pas toujours, sur une colonie, les renseignemens qu’elle a fournis sur une autre.

En revanche, elle nous apprend comment et de quoi vivent, à la Guadeloupe, la plupart des hommes de couleur. Les arts mécaniques usuels sont leur principale occupation. Quelques-uns tirent leurs moyens d’existence, non pas de l’exploitation de la grande industrie agricole, comme celle des sucreries, mais de la culture des vivres du pays, ce qui est le genre de culture le plus dédaigné, et encore n’est-ce parmi eux qu’une exception. Un petit nombre sont négocians, ou commis dans des maisons de commerce. Ceux qui se livrent aux professions industrielles se font remarquer par l’habileté de leur main-d’œuvre, et l’on apprécie beaucoup tout ce qui sort de leurs ateliers.

Un fait digne d’attention et qui prouve, selon nous, que la fusion des races et des couleurs serait bien moins difficile à la Guadeloupe que dans d’autres colonies, si l’on y aidait tant soit peu, c’est la disposition des blancs à se laisser confondre avec les mulâtres dans l’exercice des mêmes travaux manuels. Le nombre des maîtres-ouvriers dans les divers métiers et arts pratiqués à la Guadeloupe et dans ses dépendances, est d’environ 600, dont un quart se compose de blancs, et les trois autres quarts appartiennent à l’ancienne classe de couleur libre ; celui des ouvriers est de 1,800, dont 20 blancs (chose remarquable !) 500 libres de couleur et 1,280 esclaves.

D’après les derniers états de situation parvenus de la Guadeloupe au département de la marine, l’effectif des milices de la colonie s’élevait à 6,708 hommes, savoir : 723 cavaliers, parmi lesquels nous ne remarquons que des blancs ; 5,185 hommes d’infanterie, dont 276 officiers, tous blancs aussi, on peut le croire hardiment, car les