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LIVINGSTON.

le conduire à la réflexion ; il lui permet le travail pour lui donner une occupation qui le préserve plus tard de l’oisiveté ou de la misère, qui mènent également au crime ; il lui procure l’instruction intellectuelle et morale qui l’aidera à se bien conduire. Il combine avec assez de bonheur et peut-être de subtilité la solitude et le travail, l’instruction isolée avec l’instruction en commun, sans avoir besoin d’employer la violence et sans craindre la corruption. Son système est complet. Il embrasse des maisons de détention pour les prévenus, des maisons de réforme pour les condamnés qui n’ont pas atteint l’âge de dix-huit ans, des maisons de pénitence pour ceux qui l’ont dépassé, enfin des maisons de refuge et de travail pour les condamnés libérés. Il y a ainsi des lieux d’attente où l’on est gardé à la disposition de la loi, des hospices pénaux où l’on est guéri en son nom, des établissemens de convalescence qui servent à passer du régime de la maladie au régime de la santé morale, de la prison dans la société.

Le système de M. Livingston n’a-t-il rien que de juste, de doux, d’humain, d’efficace ? L’apparence le ferait croire ; mais plusieurs de ses dispositions peuvent susciter des objections graves, et être regardées comme trop dangereuses ou trop dures, malgré la prudence ou l’humanité qui les a dictées. Sans entrer dans cette grande controverse du maintien ou de l’abolition de la peine de mort, est-ce que M. Livingston n’applique pas à ceux qui l’encourent dans notre législation une peine encore plus sévère ? Est-ce qu’il n’abandonne même pas son propre système à leur égard, lorsqu’il dit : « La réformation n’entre dans leur traitement qu’autant qu’elle les concerne en particulier. Bannis à jamais de la société civile, la loi ne contient aucune disposition pour les employer désormais. Indifférente aux habitudes qu’ils peuvent prendre, elle est uniquement occupée, dans leur seul intérêt, de les mettre à portée de faire leur paix avec le ciel, parce qu’elle évite de les punir de mort, mais ne voudrait pas tuer leur ame. »

En effet, ces condamnés, enfermés pour toute leur vie dans un espace étroit et obscur ; morts pour le monde dans lequel ils ne peuvent plus rentrer, car le droit de grace ne saurait s’exercer en leur faveur ; étrangers à leur famille qui partage leurs biens, soumis périodiquement, pendant plusieurs mois de l’année, à une entière solitude et à une désolante inaction ; ne pouvant jamais ni respirer un air pur, ni voir un rayon de soleil, ensevelis dans leur cellule comme dans un tombeau sur lequel se lit déjà leur épitaphe ; ne sont-ils pas punis plus cruellement que ceux auxquels la vie n’est pas laissée à