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sont appelées à juger des délits commis contre le gouvernement et le droit de l’Union. M. Livingston se rendit au vœu de son pays. Il conçut, sur le même modèle, dans les mêmes vues, mais avec des dispositions différentes, une législation fort étendue qui embrassait tous les délits en matière d’assemblée, d’élection, d’excès d’autorité, de révolte, de trahison, de douanes, de piraterie, de guerre et de droit des gens. Il en détermina les caractères, régla les procédures, fixa les châtimens. Ce code, qui place les sentimens généraux de l’humanité à côté des besoins du gouvernement, le droit des gens à côté du droit politique, qui introduit pour la première fois dans une loi nationale les principes de la justice universelle, restés jusqu’ici dans les mœurs des peuples comme simple usage qui n’était pas toujours observé, fait honneur à l’esprit philosophique de M. Livingston. Le système particulier de lois pénales pour la Louisiane, et le système général pour les États-Unis, dont l’un est en discussion cette année même à la Nouvelle-Orléans, et dont l’autre sera sans doute bientôt adopté par le congrès américain, forment les deux vrais titres de M. Livingston à la reconnaissance de son pays et à l’attention de la postérité.

Après avoir achevé ces vastes travaux, M. Livingston consacra le reste de sa vie à la politique. Il était membre du sénat, lorsque son ami le général Jackson fut élevé à la présidence des États-Unis. Il refusa d’abord de hautes fonctions qui lui furent offertes ; mais à la veille d’une crise nationale, il accepta la principale charge de secrétaire d’état. Alors les états du nord et les états du midi, dont les uns étaient manufacturiers et les autres agricoles, se trouvaient divisés d’opinion comme d’intérêts sur les tarifs auxquels étaient soumises les marchandises étrangères. La Caroline du sud, donnant le signal de l’insurrection contre la loi qui les réglait, l’avait déclarée nulle et avait pris les armes. Les États-Unis d’Amérique, violemment atteints par la maladie qui menace de mort les fédérations, semblaient prêts à se dissoudre. Dans cette circonstance périlleuse, M. Livingston inspira sa modération et prêta son éloquence au général Jackson. Il se prononça pour la conciliation, et il rédigea cette belle, touchante et patriotique proclamation qui contribua si puissamment à prévenir la rupture de l’Union-Américaine. Mais sa prudence, j’ai quelque regret à le dire, parut l’abandonner plus tard, lorsque nommé ministre des États-Unis en France, il vint y presser l’exécution d’un traité dont la mémoire est encore si récente. Il n’apprécia point, dans ses exigences et dans ses dépêches, les lenteurs inévitables d’un gouvernement libre, et le diplomate se montra moins conciliant que