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REVUE. — CHRONIQUE.

lever. L’honneur accordé par le roi à M. le comte Molé a été comparé à la réception de Louis XIV par Fouquet, quoique M. Molé ait eu le bon goût de ne pas donner de fête au roi et de le recevoir avec toute la simplicité d’un ministre constitutionnel. Le roi, de son côté, a véritablement agi en roi constitutionnel. Au lieu de venir assister à un carrousel ou à un bal, il est venu tenir un conseil à Champlâtreux ; c’est là le souvenir qu’il a voulu laisser dans ce château historique. Tout ceci est bien de notre temps et de notre régime, et ne ressemble guère aux fêtes de Vaux. Quant aux journaux qui ont avancé que M. Molé avait sollicité cette faveur pour balancer l’effet des triomphes du maréchal Soult en Angleterre, nous leur répondrons par un fait. Depuis cinq mois, le roi avait annoncé à M. Molé qu’il lui ferait cet honneur, et c’est spontanément que S. M. a fixé, il y a peu de temps, le samedi 11 août pour le jour de cette visite attendue depuis long-temps.


— Le jeudi 9 août, l’Académie française, présidée par M. de Salvandy, directeur, a tenu sa séance annuelle. Un public choisi et nombreux, qui, ne s’attendant pas aux larmes de la fin, paraissait disposé à goûter surtout les finesses du langage et la grâce de l’esprit, était venu entendre M. le secrétaire perpétuel, et par conséquent l’applaudir. M. Villemain, avec cette singulière habileté d’orateur qui le caractérise, prend à peine la parole, que toute l’attention, que toutes les sympathies lui appartiennent. Il n’est pas jusqu’aux sons si bien accentués de sa voix, jusqu’à ses gestes animés, qui ne prêtent une aide merveilleuse à la justesse de ses appréciations, où le blâme, poli et spirituel, est déguisé dans l’éloge avec tant d’art, d’urbanité et de grace. En parlant de choses contemporaines, d’intérêts susceptibles et vivans, M. Villemain sait être vrai et aimable, justifier (ce qui n’est pas toujours facile) l’indulgence des jugemens de l’Académie et maintenir sa propre opinion ; il glisse avec une merveilleuse légèreté sur les questions épineuses, et arrive à satisfaire tout le monde. On le sait, dans son style, M. Villemain transporte beaucoup des charmantes qualités de sa parole, et sait, de plus, y en ajouter de bien différentes. Son Tableau de la Littérature au dix-huitième siècle (envers lequel nous sommes en retard et dont un de nos collaborateurs doit très prochainement parler) en est un frappant exemple que l’on aime à rappeler.

Dans son dernier discours de l’Académie, M. Villemain a parlé, comme d’habitude, des ouvrages couronnés. C’est un tribut qu’en sa qualité de secrétaire perpétuel, il doit chaque année au public, qui compte toujours d’avance sur beaucoup d’esprit et d’éloquence. Il est bien difficile de répondre à l’attente d’une réunion ainsi prévenue, et beaucoup de gens de talent ne seraient pas solvables pour une pareille dette : M. Villemain, au contraire, comble et dépasse toutes les exigences. Cette fois, il a commencé par la médaille accordée à M. Alletz pour son Essai sur la Démocratie nouvelle, et il a fait sentir combien il y avait loin de ce livre médiocre au beau travail de M. de Tocqueville, précédemment couronné par l’Académie ; puis il a ajouté :