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REVUE DES DEUX MONDES.



LETTRE
À M. LE DIRECTEUR DE LA REVUE DES DEUX MONDES.
Monsieur,

Votre numéro publié le 15 juillet contient une première lettre sur la situation extérieure de la France, où l’on traite des affaires belges et des raisons exposées, tant en Belgique par la voie de la presse, qu’en France dans la dernière séance de la chambre des pairs, contre le morcellement des provinces de Luxembourg et de Limbourg. Comme j’ai présenté au public, sous forme de lettre à lord Palmerston, les motifs de droit et de politique bien entendue, qui ne permettent plus l’exécution pure et simple du traité du 15 novembre 1831, l’auteur, dont vous insériez les observations opposées à la cause que je défends, a cru devoir s’occuper de mon travail qui méritait peut-être un plus sérieux examen. Je n’ai certainement point à me plaindre personnellement de mon contradicteur ; il est trop obligeant à mon égard, Je regrette seulement qu’il n’étende pas ses sentimens d’honorable bienveillance pour moi à une population qui fut vingt ans française, et qui garde encore le souvenir d’une confraternité détruite par les excès du despotisme conquérant, bien qu’elle parût si fortement constituée.

Il est un grand nombre d’esprits, même d’une intelligence plus qu’ordinaire, qui ne distinguent point assez les contrats politiques des contrats civils. Les uns et les autres ont pourtant des origines très différentes. Les premiers sont le résultat habituel des évènemens ; les seconds sont le produit de la volonté des parties qui en acceptent spontanément les conditions. Pourquoi la France est-elle France malgré l’occupation réitérée de Paris par l’Europe en armes, dont les soldats français victorieux avaient d’abord envahi presque toutes les capitales, tandis que la Pologne, sans avoir porté la guerre dans les états voisins, ayant même sauvé l’un de ces états d’une invasion barbare, s’est trouvée un jour néfaste partagée entre eux contre tout droit des gens ? C’est sans doute parce que la situation physique de la France, et des faits supérieurs aux désirs qui lui étaient hostiles, ont empêché qu’elle subît un sort si funeste. Pourquoi la Belgique ne fut-elle point en 1831 remise sous le joug brisé en septembre 1830 ? pourquoi ? parce qu’elle avait à côté d’elle une France assez puissante pour repousser une restauration dont elle ne voulait pas, et que le gouvernement anglais comprit en même temps la nécessité de rendre aux Belges leur ancienne existence nationale. Et néanmoins, pourquoi un traité en vingt-quatre articles, remplaçant des préliminaires de paix récemment adoptés sous le nom des dix-huit articles par tous les membres de la conférence de Londres, destina-t-il aux réactions d’un gouvernement réimposé, malgré leurs vœux les plus manifestes, trois cent mille Belges du Luxembourg et du Limbourg ? pourquoi, dirai-je encore ? parce qu’un succès déloyalement obtenu après la rupture non dénoncée d’un armistice, avait