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REVUE. — CHRONIQUE.

dupe n’est pas destiné à vivre ; et que gagnera l’Europe à ce que l’esprit national belge s’use et s’affaisse dans l’humiliation ? Cette nationalité à la fois neuve et antique devrait plutôt être soigneusement cultivée que flétrie ; entre deux propriétaires, l’un possesseur du fonds depuis plusieurs siècles, l’autre prétendant à quelques usages mal définis et récens, quel est le plus digne d’égards en cas de litige ? N’est-ce pas le premier ? Le Luxembourg appartient, dit-on, à la confédération germanique, et l’on se demande où est, depuis 1815 même, le tribunal allemand, jugeant en appel les procès des Luxembourgeois. On perçoit depuis 1815 des droits de douane le long de la Moselle, de la Sure, de la Wolz, entre Echternach, Diekirch et Trêves. On cherche en vain la ligne commerciale, séparative entre Echternach, Diekirch et Namur et Liège. On voyait siéger alternativement depuis 1815 à Bruxelles et à La Haye des Luxembourgeois, membres des états-généraux, pour les provinces méridionales du royaume des Pays-Bas, et lors de la session des mêmes états-généraux de 1830-1831, un député du Luxembourg, ayant voulu se rendre dans leur sein, en fut exclu par les Hollandais comme appartenant aux provinces belges, tandis que le congrès réuni à Bruxelles admit avec un empressement fraternel les représentans de ce pays.

Princes, diplomates, ministres, lord Palmerston, comte Molé et autres qui gouvernez le monde, souvenez-vous du jugement de Salomon ! La véritable patrie des Luxembourgeois et Limbourgeois n’est pas plus douteuse que la filiation de l’enfant qu’il adjugea à sa véritable mère. Appuyez la justice, et la paix régnera.

Comte F. de Merode.


LETTRES SUR LA SITUATION EXTÉRIEURE.
iii.

Je vous remercie, monsieur, de m’avoir communiqué d’avance la lettre que vous adresse M. le comte de Mérode, au sujet de la question hollando-belge ; car je me trouve dans la nécessité d’y répondre, et vous penserez sans doute avec moi que le plus tôt sera le mieux. Non assurément que je regarde M. de Mérode comme un ennemi qu’il faut combattre, ou que je me regarde moi-même comme un adversaire digne de lui ; mais j’ai besoin de vous donner, et à vous et à lui, quelques explications sur le sens dans lequel je soutiens cette polémique, sur les motifs de l’opinion que j’ai embrassée et que je continue à développer, sur l’esprit qui m’a constamment animé, en traitant cette question si délicate de l’exécution du traité des 24 articles.

Non, je ne suis pas insensible aux justes regrets que devront éprouver les populations du Limbourg et du Luxembourg, quand elles se sépareront, s’il faut en venir à cette extrémité, du gouvernement et de la nation belge, pour retomber sous le pouvoir de la Hollande. Je comprends tout ce qu’un pareil