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déchirement aura de pénible pour des peuples qui depuis longues années vivent de la même vie que le reste de la Belgique, qui ont partagé avec elle toutes les vicissitudes de la guerre et de la politique, et qui se sont associés spontanément à la révolution de septembre 1830. Sur ce point, je suis parfaitement d’accord avec M. de Mérode ; je crois avec lui que l’attachement des populations du Limbourg et du Luxembourg, cédées à la Hollande, ne peut être nulle part traité de caprice révolutionnaire, comme il le dit fort bien. Mais, qu’il me permette cette expression, je cherche en vain, dans toute sa lettre, autre chose que des raisons de sentiment ; je ne lui vois pas aborder les véritables difficultés de la question ; je ne le vois pas entrer dans les considérations politiques, dans la réalité des faits, dans les exigences du droit diplomatique de l’Europe. Et moi, qui n’ai pas été ministre comme M. de Mérode, qui ne suis qu’un observateur attentif et sérieux, je m’étonne de son silence, et je m’en étonne à juste titre ; car enfin, j’avais abordé ce côté de la question, j’avais indiqué le véritable nœud de la difficulté, j’avais formellement sommé les partisans de l’opinion contraire de dire comment, par quel moyen, par quelle combinaison acceptable ils entendaient la résoudre, dans l’état actuel de l’Europe. Remarquez bien ces derniers mots ; j’y reviendrai tout à l’heure, parce que j’attache la plus grande importance à l’ensemble de faits qu’ils résument. Au lieu de cela, que fait M. de Mérode ? Il m’explique l’origine du traité des 24 articles, que je connais fort bien ; il me rappelle les circonstances fâcheuses, sous l’empire desquelles la conférence de Londres substitua le traité du 15 novembre aux 18 articles (préliminaires du 26 juin) acceptés par la Belgique. Si c’est là un raisonnement sérieux, je ne vois pas, à ce compte, pourquoi la Hollande n’opposerait point à l’acceptation des 18 articles par la Belgique l’adhésion antérieure qu’elle a donnée aux bases fondamentales, tandis que la Belgique les repoussait.

Mais, reconnaissons-le, monsieur, l’Europe n’est engagée, ni par les 18 articles, ni par les bases fondamentales. Ce sont pour elle, ce sont pour tout le monde, pour la Belgique comme pour la Hollande, des actes non avenus, des essais avortés de conciliation, qu’il faut rejeter dans les limbes de l’histoire et de la diplomatie. Maintenant je vais plus loin. Je demanderai à M. de Mérode si les préliminaires du 26 juin 1831, enveloppés dans la réaction qui a suivi les évènemens du mois d’août, assuraient effectivement à la Belgique tout le Limbourg et tout le Luxembourg. Or, c’est ce qu’on ne peut soutenir. L’article 1er reconnaissait à la Hollande tout ce qui faisait partie de la ci-devant république des provinces-unies des Pays-Bas en l’année 1790 ; cet article privait la Belgique de tout droit sur Venloo et sur je ne sais combien de villages dans le Limbourg, ainsi que de la place de Maestricht. L’article 2 reconnaissait, il est vrai, à la Belgique tout le reste des territoires qui avaient reçu la dénomination de royaume des Pays-Bas dans les traités de 1815. Le grand-duché de Luxembourg semblait donc être compris dans le nouvel état belge ; mais on ne sait plus que penser en voyant que l’article 3 exigeait pour le Luxembourg une négociation séparée entre le souverain de la Belgique,