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qui distinguent M. le prince de Metternich, n’avaient pas empêché la faction ligorienne de Vienne, qu’il n’ose pas ouvertement combattre, d’applaudir aux imprudens écarts de la Bavière ; le démon de la discorde s’était glissé dans le sein des familles princières, et la paisible Allemagne ne se reconnaissait plus. Vous savez que de cet orage il reste à peine aujourd’hui un souffle de vent. La confédération germanique, momentanément ébranlée, se raffermit et se resserre ; l’Autriche et la Prusse se sont cordialement rapprochées ; la Bavière a fait amende honorable, et c’est ainsi que l’Allemagne se présente à la conférence de Londres, bien décidée à ne pas se laisser entamer, et à ne pas accorder à la Belgique d’autres conditions que celles du traité des 24 articles.

M. de Mérode s’étonne de ce que j’aie relevé sa singulière proposition de renoncer indéfiniment à la forteresse fédérale de Luxembourg, qui demeurerait au milieu d’un pays entièrement belge, toujours occupée par une garnison moitié hollandaise et moitié prussienne. C’est même probablement au sujet de cette partie de mes observations qu’il me reproche de ne pas avoir plus sérieusement examiné son premier travail. Il est possible, en effet, que j’aie d’abord parlé un peu légèrement de cette combinaison ; mais comment n’aurais-je pas été frappé de la résignation avec laquelle M. de Mérode abandonne la principale ville du grand-duché, le véritable foyer de sa vie nationale ? comment ne me serais-je pas dit que, pour consentir à un pareil sacrifice, il fallait que les plus absolus défenseurs de la nationalité belge eussent aperçu là, sur les murs de cette forteresse, un noli me tangere dont la guerre seule pouvait avoir raison ? Alors j’ai sérieusement examiné l’intérêt de la France, je me suis livré à une étude consciencieuse de tous les élémens de la question, et je suis arrivé aux conclusions que je vous ai déjà développées. La Belgique n’a peut-être pas tort de ne penser qu’à elle, de vouloir que la France, après l’avoir sauvée, après avoir affranchi son premier port commercial, court encore une fois le risque d’une guerre générale, pour l’agrandir ou la compléter au mépris de la foi des traités. Mais la France, ai-je dit, a d’autres devoirs, et quand l’équilibre dans lequel se maintient l’Europe sera rompu, il faut que la France y trouve des chances d’agrandissement. Voilà les considérations que j’ai livrées au jugement des hommes d’état de la Belgique, et au sujet desquelles M. de Mérode a rapproché, dans la même phrase, les mots d’étroit égoïsme et de défaut de reconnaissance. Si je l’ai bien compris, il veut dire que la France se montrerait égoïste en bornant le témoignage de sa sympathie pour la Belgique aux services qu’elle lui a déjà rendus, et que la Belgique, en secouant le joug de la Hollande, a rendu à la France un assez grand service pour que celle-ci n’ait pas le droit d’accuser les Belges d’ingratitude. Ne craignez pas, monsieur, que j’approfondisse une question aussi délicate ; permettez-moi seulement de répondre, par votre intermédiaire, à M. de Mérode, qu’en fait d’égoïsme, la France n’a pas de reproches à se faire depuis 1830, surtout à l’égard de la Belgique, et qu’en fait de reconnaissance la Belgique peut recevoir des leçons de tout le monde. Si j’avais l’esprit