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traîne. L’Akh-Tam n’était que le bras droit de l’Oxus, appelé Amou-Daria par les Tartares ; un autre bras appelé Adjaib, lequel est souvent à sec, se jette, plus au midi, dans la mer. À quelques lieues du rivage, à l’endroit où l’Amou-Daria se séparait en deux, on voit maintenant un lac salé formé probablement par la mer qu’un violent vent d’ouest aura fait remonter dans l’une ou l’autre des deux embouchures. Les Turcomans ont entendu parler d’une époque où cette côte était très fréquentée, lorsque l’Akh-Tam, venant des frontières de l’Inde, passait par Khiva et amenait dans le golfe une grande quantité de poissons auxquels se joignaient ceux qui remontaient de la mer dans le fleuve. Un ancien khan de Khiva détourna le bras de l’Oxus qui se rendait dans la mer Caspienne, dans le but d’intercepter le commerce de l’Inde qui se faisait par cette voie et qui passait par ses états, ce qu’il regardait comme un danger pour son indépendance.

Les Russes ont fait explorer plusieurs fois cette embouchure. Il n’y a pas de doute que s’ils s’emparaient de Khiva, ils essaieraient de faire rentrer le fleuve dans son ancien lit, et peut-être n’y trouveraient-ils pas beaucoup de difficulté. En 1825, ils n’avaient aucun établissement sur la côte du Balkhan ; peu d’années avant, une petite tribu turcomane de cette côte avait voulu se mettre sous leur protection ; mais d’autres tribus plus fortes, excitées par le khan de Khiva et par celui de la province persane d’Astrabad, vinrent l’attaquer et la piller, en sorte qu’elle quitta le pays et se dispersa en Boukharie et en Perse. Toute cette contrée a l’aspect le plus sauvage et le plus stérile ; toutefois il paraît que dans les monts Balkhans on trouve de l’eau potable, de la végétation et de grands arbres.

Non loin du golfe du Balkhan, se trouve une assez grande île appelée Tcheleken. Lorsque M. Eichwald la visita, elle était gouvernée par un chef turcoman nommé Khiat-Aga, qui s’était placé sous la suzeraineté de la Russie à laquelle il était fort dévoué. Il avait eu autrefois de grandes propriétés sur la frontière de Perse ; mais ayant eu trop à souffrir des vexations des Persans, il s’était retiré dans cette île, où sa tribu l’avait suivi. Il était allé une fois à Tiflis et avait fait élever son fils dans cette ville : aussi celui-ci parlait et écrivait le russe et avait des manières tout européennes. Le vieux Khiat-Aga, par son dévouement aux Russes, s’était attiré la haine des Turcomans de la colline d’Argent et d’Astrabad, et il aurait risqué sa vie en allant sur la côte ; il restait toujours fidèle à la Russie, quoique le chah lui eût offert le titre de khan pour l’en détacher, et quoique le général Yermolof eût négligé depuis long-temps de répondre à ses complimens et à ses pré-