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Nous ne ferons pas ici un cours de péripatétisme, et nous renverrons ceux qui sont curieux de ces laborieuses questions, tant aux textes, déjà traduits par M. Cousin, qu’aux travaux critiques de MM. Ravaisson, Michelet et Barthélemy Saint-Hilaire. Désormais on pourra étudier, en France, Aristote avec autant d’exactitude et de profondeur qu’en Allemagne. Aussi c’est justice de relever les mérites de ces expositions aristotéliques, et après avoir rempli ce devoir, il n’y aura pas d’inopportunité à constater l’empire qu’exerce aujourd’hui tant la pensée d’Aristote que la science même de l’esprit humain.

Il est ordinaire que la faculté de concevoir et le talent d’écrire les matières philosophiques, attendent, pour se développer avec force, quelque maturité de l’âge : aussi l’Essai de M. Ravaisson, sur la métaphysique d’Aristote, nous paraît d’autant plus saillant que l’auteur est plus jeune. C’est un début tout-à-fait éclatant, surtout si l’on considère que les sujets traités par l’écrivain appartiennent à ce que la science philosophique a de plus profond et de plus ardu ; car c’est la pensée d’Aristote spéculant sur la pensée elle-même. Nous nous étonnerions moins de voir une ardente imagination tirer du platonisme de brillantes peintures, ou recevoir du mysticisme chrétien d’éloquentes inspirations. Mais il est plus rare d’assister à la lutte victorieuse d’une jeune intelligence, tant avec les problèmes les plus difficiles de la science métaphysique elle-même, qu’avec les formes à la fois si subtiles et si rudes du péripatétisme.

Le premier volume de l’Essai de M. Ravaisson est consacré tout entier à la pensée même du Stagyrite, et il est divisé en trois parties. La première partie trace l’histoire de la métaphysique d’Aristote et en démontre l’authenticité ; la seconde contient l’analyse de la métaphysique elle-même ; la troisième traite ex professo de la métaphysique d’Aristote ; on y voit quel rang tient cette métaphysique dans l’ensemble du système péripatéticien ; on y lit l’histoire même de cette science d’après les données d’Aristote ; enfin le système du Stagyrite, repris en sous-œuvre, est exposé par M. Ravaisson d’une manière complète et lumineuse. Ainsi, préliminaires philologiques et littéraires, analyse du monument même, exposition nouvelle du système, voilà la méthode de l’auteur ; elle est simple et féconde ; tout s’enchaîne d’une manière nécessaire et naturelle, la pensée se déroule avec une logique ferme, et elle arrive au dernier terme de ses conclusions avec le cortége et la force de déductions irrésistibles et triomphantes.