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lières. Lorsque les coupes furent remplies, Hugh Mac-Donald se leva, et, approchant de ses lèvres sa tasse d’argent pleine de vin d’Espagne :

« À Mac-Donald, lord des îles, honneur, prospérité et longue vie !… dit le jeune homme en se tournant du côté de son oncle : mais celui-ci, interrompant le toast et redressant sa tête blanche d’une façon terrible :

— Mon neveu se trompe : c’est une mort prompte et non pas une longue vie qu’il me souhaite, » s’écria-t-il d’une voix irritée.

Hugh Mac-Donald, pâle et attéré, essayait de balbutier une réponse.

« Oui, tu viens de mentir, reprit son oncle avec un calme plus effrayant que ne l’était sa colère ; je sais que tu souhaites ma mort et que tu as résolu de la hâter !

— Quel est l’infâme qui peut avoir porté contre moi cette horrible accusation ?

— Cet infâme, c’est toi-même ! »

Et le vieillard, tirant de son sein le traité que jusqu’alors il avait tenu caché :

« La preuve, la voici, lui dit-il ; tiens, lis, ajouta-t-il en lui passant le traité… Et vous, lairds de Mac-Neil, de Duart et de Mac-Leod, lisez comme lui !… »

Le chef des conjurés et ses complices, interpelés d’une si brusque façon et se voyant découverts, restaient muets et consternés, s’attendant tous au dernier supplice. Mais le vieux lord, reprenant la parole ;

« Je devrais faire subir à chacun de vous le sort que vous m’aviez destiné, leur dit-il, mais j’aime mieux voir en vous des hommes faibles, séduits par un déloyal et un ingrat, que des coupables endurcis. Je veux donc vous faire grace, je veux même pardonner au plus coupable d’entre vous, à mon neveu Hugh Mac-Donald ; sa grande jeunesse et son inexpérience ont pu seules le porter à commettre une action si criminelle ; j’aime à le croire. Je lui pardonne donc aussi, laissant à sa conscience le soin de le punir ; mais si, au lieu de se repentir, il persistait dans ses coupables desseins, écoutez le serment que je fais devant vous ; je jure par tous les saints du paradis, je jure de lui faire subir un supplice tel qu’on s’en souviendra long-temps après nous dans les îles ! »

Mac-Donald, se levant de table, fit ensuite prêter à tous ceux qu’il venait d’amnistier un nouveau serment de fidélité et les congédia. Mac-Leod et ses compagnons furent touchés de la générosité du vieux seigneur, et cessèrent de comploter sa mort ; mais son neveu, dont l’ame était moins noble, loin d’être désarmé par la bonté de son oncle, prit sa longanimité pour de la faiblesse, et, regardant comme de vaines menaces l’avertissement terrible qu’il venait de lui donner, il ourdit contre lui de nouvelles trames. Cette fois, ne trouvant plus de gentilshommes pour le seconder dans ses odieux projets, Hugh Mac-Donald donna sa confiance à des assassins de bas étage ; mais, comme il ne voulait pas leur payer d’avance une partie de la somme qu’il leur avait promise pour prix du meurtre, ceux-ci le vendirent au lord des îles.