Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
DE L’AMÉRIQUE DU SUD.

que du sud. Enfin, nous ne porterions pas sur l’esprit, sur les facultés intellectuelles de ces populations, un jugement aussi sévère que celui qu’il faut exprimer sur leur caractère moral, bien que leurs poètes, leurs historiens, leurs orateurs, soient encore à se produire. Mais il y a quelque chose de mieux à faire que d’insister sur les défauts, plus ou moins prononcés, du caractère américain ; c’est d’indiquer comment et pourquoi il devra être modifié. Or, il nous semble que les lumières de notre civilisation, des institutions élastiques et fortes, des réformes législatives et judiciaires au-devant desquelles s’élancent tous les esprits, influeraient très avantageusement sur cette partie des mœurs qu’on peut appeler mœurs politiques et sociales, par opposition aux mœurs domestiques et individuelles. Les états du midi de l’Europe ont offert et offrent encore à cet égard des exemples assez concluans. L’Amérique espagnole elle-même nous en offre, dans le cours de ces dernières années, un exemple encore plus frappant et plus décisif. Je veux parler de l’île de Cuba, sous la vigoureuse administration du général Tacon. Le gouvernement français aurait peut-être quelques plaintes à élever contre M. Tacon ; mais il est impossible de ne pas reconnaître que son administration a opéré dans cette belle colonie la plus heureuse des révolutions. Qu’a-t-il fallu ? De l’intelligence et de la volonté. Il est vrai que Cuba n’est point une république fédérative, tiraillée par des ambitions rivales, divisée en partis nombreux, gouvernée de bas en haut, comme les états indépendans, ses voisins, où l’on a prodigué des droits politiques aux esclaves d’hier qui sont incapables de les exercer, où le dernier colonel veut être président, au moins pour quelques jours, et où toutes les villes ont la prétention de passer capitales. L’empire de la paresse, de la barbarie et du brigandage se resserre tous les jours dans des limites de plus en plus étroites. Devant quelles formidables puissances reculent ces fléaux de l’ancienne société ? N’est-ce pas devant ces forces de la civilisation moderne que nous venons d’énumérer, et devant un élément dont nous n’avions pas tenu compte, devant cet insatiable besoin qui tourmente les individus et les peuples d’améliorer leur condition, d’embellir leur vie, de décorer leur séjour, et à ces nobles fins de conquérir la nature et de s’en approprier toutes les ressources ? En un mot, nous avons une foi profonde dans tous les moyens de culture intellectuelle et morale, comme dans les moyens et les succès de la culture matérielle : nous croyons, pour rentrer dans notre sujet, qu’avec quelques années d’un gouvernement stable et régulier, conduit par des esprits éclairés et des volontés fermes, la civilisation