Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/698

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
694
REVUE DES DEUX MONDES.

vieilles basiliques détruits par le temps ; nos bateaux à vapeur, jusqu’ici en bois, n’auront plus bientôt que des coques de fer. Il s’établit en ce moment sur la Tamise un service de magnifiques bateaux à vapeur en fer. Si jusqu’ici les bateaux en fer n’ont été mis en usage que sur les rivières et les fleuves, rien ne prouve, ainsi que le remarque le savant docteur Lardner, qu’ils ne puissent franchir cette limite. Les bateaux en fer offriraient, pour les voyages sur mer, de notables avantages : à tonnage égal, leur poids ne s’élève pas à la moitié de celui des navires en bois ; leur tirant d’eau étant plus faible, leur assure ainsi une plus grande rapidité de marche, ou leur permet un chargement plus considérable. Le fer, au reste, résiste beaucoup mieux que le bois à la fatigue du roulis et au choc des bancs ou des écueils. Entre autres faits à l’appui de cette assertion, M. Mac-Grégor cite les suivans dans son rapport à la chambre des communes sur la navigation à vapeur : « L’Alburkah, pendant l’une des expériences auxquelles on soumettait ce steamer, toucha et vint heurter son ancre. Nul doute qu’il ne se fût brisé s’il eût été de bois ; sa coque en fut quitte pour une légère bosse. » …… « Un bâtiment en fer construit pour l’Irish Navigation Company, et toué près de Lough Dergh, fut surpris par une violente brise qui lui cassa son grelin, et le poussa rudement contre les rochers qui bordent la côte. Là, le navire se débattit plusieurs heures durant contre la tempête et les écueils, sans qu’il en résultât pour lui le moindre dommage. En pareil cas, un bâtiment en bois eût été vingt fois mis en pièces. » Ajoutons, ce qui est une considération importante pour les climats chauds, que les bâtimens en fer ne sont pas sujets à la pourriture et conservent une constante fraîcheur. La nature de leur construction les garantit aussi en partie contre l’incendie. Pour être juste toutefois, il faut reconnaître que le bois a l’avantage d’être plus élastique que la tôle : il est plus lisse sur les flancs du bateau, et les planches du sapin ne croisant pas l’une sur l’autre comme celles du fer, pour le clouage, offrent moins de résistance à l’eau, sont moins rigides que la tôle aux efforts des machines, et réagissent mieux sur la vague. Mais ces inconvéniens sont loin de balancer les avantages que les mécaniciens trouvent à employer le fer dans la construction des bateaux. De nombreux succès ont sur ce point justifié leur préférence, notamment celui des bateaux si légers de M. Gache, les Émeraudes, de la Loire, qui ne calent que 8 à 10 pouces d’eau, condition très favorable à la navigation difficile de la Loire.

S’il est vrai que chaque époque doive avoir son cachet, c’est à la puissance de la vapeur que la nôtre devra le sien. La Providence semble avoir décidé que les peuples désormais doivent se mêler, se frotter les uns aux autres, et c’est à la vapeur qu’elle veut que nous soyons redevables de ce bienfait. À la terre donc les chemins de fer ; à la mer, aux fleuves, les navires à vapeur ! Les chemins de fer et les navires à vapeur sont deux idées qui se complètent l’une par l’autre, et répondent de loin à une idée première qui les a depuis long-temps devancées dans l’œuvre de fusion des peuples et des races, l’imprimerie.