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REVUE. — CHRONIQUE.

le terme des difficultés nées entre le gouvernement français et la république helvétique. La déclaration du grand conseil de Thurgovie suffirait selon ces feuilles. Le grand conseil de Thurgovie a déclaré, en effet, que le vote de sa députation est maintenu dans tous ses points, et qu’en conséquence, Thurgovie repousse de la manière la plus formelle la demande faite par la France, de l’expulsion du prince Louis Bonaparte. En sa qualité d’état souverain, est-il ajouté dans cette déclaration, Thurgovie se propose de rechercher et de punir lui-même les intrigues politiques susceptibles de compromettre la tranquillité des autres états.

En lisant cette déclaration si explicite, on est d’abord amené à se demander quels sont les moyens légaux à l’aide desquels le canton démocratique de Thurgovie peut empêcher M. Louis Bonaparte de conspirer contre la tranquillité de la France. Puis on se demande encore comment il se fait que le grand conseil de Thurgovie ait passé sous silence le défaut d’adhésion de M. Louis Bonaparte à l’article 25 de la constitution thurgovienne, circonstance qui réduit la qualité de citoyen de Thurgovie à un titre honorifique. C’est ainsi que la commune de Schutz et celle d’Oberstrass voulaient accorder le titre de citoyen, sans droits civiques, à M. Louis Bonaparte. S’ensuivrait-il qu’il serait citoyen de Lucerne et de Zurich ? Nullement. La Suisse est maîtresse, il est vrai, de prendre M. Louis Bonaparte sous sa protection. Si la république helvétique croit avoir de grandes obligations à ce jeune homme ; si le titre de prince qu’il porte lui donne, près des démocrates suisses, un crédit assez grand pour faire repousser par tous les cantons et par le directoire fédéral, les justes demandes de la France, rien de mieux. Assurément, les négociations seraient terminées, et notre ambassadeur n’aurait plus qu’à demander ses passeports ; mais nous ne pouvons croire que les choses en soient arrivées à ce point.

D’abord, tous les journaux suisses sont loin de tenir le même langage. L’Allgemein déclare qu’il eût été dans les devoirs de bon voisinage d’engager M. Louis Bonaparte à s’éloigner du territoire de la confédération. Ce journal blâme les chefs radicaux qui ont, dit-il, en main les rênes de la confédération, d’avoir déclaré d’une manière si arrogante qu’ils ne consentiraient jamais à l’expulsion de M. Louis Bonaparte. L’Ami du Peuple, de Berne, dit que M. Louis Bonaparte ne considère son droit de citoyen suisse que comme un moyen de réaliser ses vues ambitieuses. La brochure Laity, dit l’Ami du Peuple, en est une preuve. Que de personnes n’a-t-il pas compromises par cet écrit ! — La feuille suisse n’est pas pour l’expulsion, mais elle est plus rigoureuse encore. Elle parle de citer M. Louis Bonaparte devant la diète, de lui faire l’injonction de rester tranquille, comme il convient à un citoyen suisse, et dans le cas où il agirait autrement, de l’envoyer réfléchir dans une chambre du château d’Arbourg. Le château d’Arbourg est une prison d’état. Une autre feuille compare M. Louis Bonaparte à la chauve-souris de La Fontaine, qui montre tour à tour ses pieds et ses ailes, et M. Louis Bonaparte lui-même justifie cette assertion par sa lettre au grand conseil de Thurgovie, où il ne