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de 6000 cavaliers ; avec lui marchait une artillerie considérable. Il s’avança sur la route d’Erzeroum dans le dessein d’attaquer un corps d’armée turc campé près de Milleh-Dousou et commandé par Hakki-Pacha. On avait reçu la nouvelle que le séraskier d’Erzeroum arrivait avec 30,000 hommes, et il fallait se hâter pour prévenir la jonction des deux armées ; mais le camp de Milleh-Dousou étant défendu, sur son front et sur sa gauche, par des ravins et des précipices, Paskewitch résolut de le tourner. La manœuvre était des plus hardies ; il avait à faire une marche de douze lieues par des chemins effroyables où se trouvaient, entre autres obstacles, deux crêtes de montagnes couvertes de neige et coupées de précipices profonds ; en outre, ce mouvement devait se faire en face d’un ennemi qui pouvait le prendre en flanc et par derrière, et qu’il laissait à deux lieues de ses communications, tandis que lui-même s’en éloignait de huit lieues. Il trompa les Turcs en faisant manœuvrer son aile gauche sur les hauteurs, de manière à attirer leur attention et à cacher la marche du corps principal. Ayant achevé son mouvement, il livra un premier combat dont le résultat ne fut pas décisif. Les Turcs étaient rentrés dans leur camp et l’armée russe avait gardé ses positions, lorsqu’on apprit que le séraskier lui-même arrivait et que son avant-garde était déjà sur une hauteur voisine. Paskewitch, qui allait se trouver entre deux feux, résolut de faire volte-face pour attaquer le séraskier. Il attendit tranquillement qu’Hakki-Pacha fût rentré dans son camp avec toutes ses troupes, plaça une division sur le seul chemin par où celui-ci pouvait faire diversion, et conduisit le reste de l’armée à la rencontre du séraskier. La disposition des lieux lui ayant permis de placer ses deux ailes de manière à envelopper l’ennemi, les Turcs surpris commencèrent à s’ébranler. L’artillerie russe, postée sur des hauteurs, mit le désordre dans leurs rangs, et une charge de cavalerie acheva de les disperser. Ils s’enfuirent dans toutes les directions, laissant leur camp à la merci de l’ennemi. Par suite de ces différentes manœuvres, Paskewitch se trouvait placé sur les derrières d’Hakki-Pacha. Quelque fatiguées que fussent ses troupes, quelque difficile que fût le chemin, il se mit en marche au point du jour, et à neuf heures du matin il vint se mettre en bataille à trois quarts de lieue du camp ennemi, dont la position était très forte. Les Turcs sortirent de leurs retranchemens, et le feu commença. On sut par un prisonnier fait dans une reconnaissance que la défaite du séraskier était ignorée dans le camp ottoman ; Paskewitch lui rendit aussitôt la liberté, pour qu’il put apprendre cet évènement à ses com-