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L’USCOQUE.

une tapisserie s’ouvrit doucement, et Naam entra sans bruit dans la chambre. — C’est toi ! Où donc étais-tu ? dit Orio en la regardant à peine. Donne-moi ma robe, je veux m’habiller, sortir !… Mais Orio se leva brusquement et resta immobile de surprise et d’épouvante à l’aspect de Naam, lorsqu’elle s’approcha de lui pour lui présenter sa robe. Elle était plus pâle que l’aube qui se levait en cet instant. Sa bouche avait une teinte livide, et ses yeux vitreux ressemblaient à ceux d’un cadavre. — Pourquoi donc avez-vous du sang sur la figure ? dit Orio en reculant d’effroi. Il s’imagina que suivant les coutumes féroces de la police occulte de Venise, Naam venait d’être prise par les familiers et soumise à la torture. Peut-être avait-elle révélé… Orio la regardait avec un mélange de haine et de terreur. Comment ai-je eu l’imprudence de la laisser vivre ? pensait-il. Il y a un an que j’aurais dû la tuer !

— Ne me demande pas ce qui est arrivé, dit Naam d’une voix éteinte, tu ne dois pas le savoir.

— Et je veux le savoir, moi ! s’écria Orio furieux en la secouant avec une colère brutale.

— Tu veux le savoir ? dit Naam avec une tranquillité dédaigneuse ; apprends-le à tes risques et périls. Je viens de tuer Ezzelin.

— Ezzelin, tué ! bien tué ! bien mort ! s’écria Orio dans un accès de joie insensée ; et serrant Naam contre sa poitrine, il fut pris d’un rire convulsif qui le força de se rasseoir. C’est là le sang d’Ezzelin ? disait-il en touchant les mains humides de Naam. Ce sang maudit a-t-il coulé enfin jusqu’à la dernière goutte ? Oh ! cette fois il n’en réchappera pas, dis ? Tu ne l’as pas manqué, Naam ? Oh non ! tu as la main ferme, et ceux que tu frappes ne se relèvent plus ! Tu l’as tué comme le pacha, dis ? Le même coup, au-dessous du cœur ? Dis-moi ? dis-moi, parle donc !… raconte-moi donc !… Ah ! c’était bien la peine de revenir à Venise !… Il n’en a pas joui long-temps de Venise ! sa vengeance ! …

Et Orio recommença à rire affreusement.

— Je l’ai frappé droit au cœur, dit Naam d’un air sombre, et je l’ai noyé en même temps…

— Le fer et l’eau ! Bonne Venise, s’écria Orio ; les beaux quais déserts pour rencontrer un ennemi ! Mais comment l’as-tu trouvé à cette heure ! Qu’as-tu fait pour le joindre ?

— J’ai pris mon luth et je suis allé en jouer sous la fenêtre de sa sœur ; j’ai joué obstinément jusqu’à ce que le frère ait été éveillé et m’ait regardée par la fenêtre. Je me suis éloignée alors de quelques pas,