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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

appelant ses coreligionnaires aux armes ; il fanatisa plusieurs villages et même des tribus entières. Toutefois, le nombre de ses partisans n’étant pas encore assez considérable, il laissa passer l’hiver de 1830 à 1831 sans rien tenter de sérieux ; mais, dès que le printemps parut, les habitans du Daghestan se soulevèrent sur plusieurs points. Quelques soldats russes furent surpris et égorgés dans les bois, et Khasi-Moullah envahit les possessions russes à la tête d’une nombreuse troupe de montagnards, Tchetchenzes pour la plupart. Cette première tentative avorta par suite de l’opposition du chamkal de Tarkou, du khan de Nekhtoula et des anciens de plusieurs villages ; Khasi fut même obligé de se retirer chez les Tchetchenzes. Il voulut de là attaquer la forteresse de Vladi-Caucase ; mais, comme il ne trouva d’appui ni chez les Ingouches ni chez les Ossètes, il lui fallut renoncer à ce projet. Il est assez curieux de voir quelle espèce de récompense le gouvernement russe accorda aux chefs tartares qui lui étaient restés fidèles dans cette circonstance. « L’empereur Nicolas, dit M. Eichwald, donna l’ordre de Saint-Alexandre Newski au lieutenant-général Mekdi-Khan, chamkal de Tarkou et vali de Daghestan. Comme son fils, Suleiman-Mirza, avait montré beaucoup de zèle pour réprimer le soulèvement de Khasi-Moullah, on lui assura les dignités de son père sous la protection et la suzeraineté de la Russie. La bienveillance et la faveur impériale lui furent promises ainsi qu’à ses successeurs éventuels. Enfin ce prince fut autorisé, comme l’avait été le chamkal lui-même, à porter une plume à son chapeau, et on ajouta le rang de conseiller intime à celui de général-major, qu’il possédait déjà. Il dut, à cette occasion, prêter un serment solennel. »

En 1831, les bandes de Khasi-Moullah s’accrurent beaucoup et prirent bientôt une attitude redoutable. Dans le courant du mois de mai, un corps russe ayant été obligé de se retirer devant elles, les montagnards vinrent attaquer Tarkou, dont les habitans leur ouvrirent les portes. La ville était alors fort dégarnie de troupes, parce que le général Kokhanof, qui y commandait, était allé faire une expédition dans les montagnes. Le peu de Russes qui y étaient restés se réfugièrent dans la citadelle, où ils furent bientôt réduits à la plus triste situation, parce qu’il ne s’y trouve ni puits ni fontaine, et que l’ennemi s’était emparé du seul point par où ils pussent se procurer de l’eau. Ils souffrirent bientôt horriblement de la soif ; les lamentations des femmes, les hurlemens plaintifs des animaux, ébranlaient les cœurs les plus fermes, et, pendant ce temps, les assiégeans faisaient entendre des cris de joie mêlés au son de leurs instrumens de