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avec la dernière rigueur, mais sans sortir de la légalité et toujours soutenu par l’assentiment des deux chambres. Cependant, malgré l’intensité et l’énergie de son action à l’intérieur, il n’a pas encouru le reproche qu’on avait pu faire à des ministères précédens de la même opinion, d’avoir négligé la grande affaire de l’Espagne, la guerre civile ; car jamais administration n’a fait plus d’efforts pour l’entretien et l’accroissement des armées, l’approvisionnement des places, et surtout pour se procurer ces ressources pécuniaires qui peut-être donneraient en peu de temps une prépondérance décidée aux armes constitutionnelles, si, par une combinaison quelconque d’emprunt ou de subsides étrangers, un ministère probe et raisonnable voyait enfin le service militaire assuré pendant un an. Que le ministère d’Ofalia n’ait pas bien mérité de l’Espagne sous tous ces rapports, c’est ce que ne saurait nier aucun homme de bonne foi, pour peu qu’il connaisse les faits. Mais, que vous dirai-je ? le succès n’a pas été complet, et le ministère d’Ofalia vient de succomber devant Morella, comme aussi peut-être sous un redoublement d’intrigues secrètes qu’il est assez difficile de démêler. En un mot, il n’a pas été heureux, ou ne l’a pas été assez, crime que les ministres expient par leur chute ; car on n’ignore pas que le général en chef de l’armée du centre avait réuni, grâce aux efforts inouis du ministère, un matériel de siége formidable, que ses troupes étaient parfaitement pourvues, que des approvisionnemens considérables de vivres avaient été amassés et calculés sur la durée probable des opérations. Peu importe ; la question n’est pas là pour les masses : il fallait réussir. Au reste, je veux ajouter tout de suite que la défense de Morella par les carlistes a été admirable, et que ce siége a été signalé de part et d’autre par des prodiges de résolution et de valeur. Mais, dans la place, c’était le courage du désespoir ; les assiégés étaient résolus à s’ensevelir jusqu’au dernier sous ses ruines et à faire de Morella une seconde Numance ; ils l’avaient inscrit sur un grand drapeau rouge où les soldats d’Oraa pouvaient le lire, et j’ai entendu parler d’un fleuve de poix brûlante employé comme moyen de défense, qui m’a rappelé les guerres de l’antiquité et du moyen-âge.

La levée du siége de Morella est donc un grand malheur, et en elle-même, et parce qu’elle a déterminé la retraite d’un ministère honnête, éclairé, qui suffisait à sa mission et qui en comprenait toute l’importance. La retraite de ce ministère est d’autant plus fâcheuse, que, si le hasard ne s’en mêle, si Espartero n’est pas plus heureux que jusqu’à présent dans les provinces du nord, la formation d’un nouveau cabinet ne peut amener de changemens avantageux dans la situation des affaires. Vous savez quels noms on met en avant, et à qui la Gazette de Madrid donne la présidence du conseil. Mais, en vérité, il m’est impossible d’y attacher le moindre intérêt. Outre que M. d’Ofalia est certainement un homme politique supérieur à M. le duc de Frias, je me demande si l’ex-ambassadeur de la reine à Paris trouvera l’argent que son prédécesseur n’a pas trouvé, obtiendra les subsides qu’il n’a pu obtenir, créera plus de ressources qu’il n’en a créé. Soyez persuadé que les choses n’en iront ni mieux ni moins bien, et malheureusement il y a quel-