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REVUE. — CHRONIQUE.

portugaise est retournée en Portugal. Les débris de la légion française sont réduits à moins de 200 hommes (je crois que le chiffre exact est de 183, officiers et soldats), sur 5,000 qu’elle a comptés sous les drapeaux, et pas un n’y demeurerait, si le contrat, passé en 1835, avec l’Espagne, était aujourd’hui légalement annulé. La légion anglaise, qui a été beaucoup plus nombreuse, a peut-être laissé à Saint-Sébastien ou à Santander un millier d’hommes, dont l’organisation m’est inconnue et qui pourraient aujourd’hui disparaître jusqu’au dernier, sans que personne les regrettât. Mais, comme tous ceux qui manquent ne sont pas morts dans les hôpitaux de Vittoria ou sur les champs de bataille, comme il y a eu dissolution légale de la première légion Évans, cette coopération indirecte de l’Angleterre est maintenant une source féconde d’embarras et de tracasseries, tant pour le cabinet de Saint-James que pour celui de Madrid. L’Espagne doit encore des sommes considérables aux officiers, soldats, veuves et orphelins de l’ex-légion britannique, qui ont institué à Londres un comité de réclamations chargé de défendre leurs droits. J’ai eu récemment sous les yeux toutes les pièces d’une correspondance officielle à ce sujet entre les présidens du comité, lord Palmerston, M. Villiers et le ministre d’Espagne à Londres, M. d’Aguilar. Les officiers anglais, qui ont signé les mémoires et les lettres dont se compose en partie cette correspondance, sont le brigadier Mac-Dougal, les colonels Wetherall, Jacks, Fortescue, et le lieutenant-colonel d’artillerie Claudius Shaw, qui a publié une histoire de la légion. Le tout est fort instructif. Les signataires des mémoires représentent fort humblement au secrétaire d’état des affaires étrangères que le gouvernement anglais ayant provoqué et encouragé d’une manière non équivoque la formation d’une légion auxiliaire, destinée à servir en Espagne la cause de la reine, ils ont bien mérité de leur patrie en répondant à son appel, et qu’ils ont compté sur sa protection et sa justice, pour recevoir le prix de leurs fatigues et de leur sang. À quoi M. Strangways ou M. Backhouse, sous-secrétaires d’état des affaires étrangères, répondent fort poliment, au nom de lord Palmerston, que leur mémoire a été reçu et immédiatement transmis à l’ambassadeur de sa majesté à Madrid. Puis interviennent des transactions que le défaut d’argent empêche les autorités espagnoles d’exécuter. Nouvelles réclamations des comités ; l’Espagne ne nie point la dette, mais elle n’a pas d’argent. Comme alors les officiers insistent sur les souffrances, les privations, la détresse auxquelles leurs régimens ont été condamnés dans les inutiles campagnes de 1835, 1836, et du commencement de 1837 ! Quel tableau ils tracent de l’imprévoyance des commissariats espagnols, de la mauvaise volonté des autorités locales, de la misère et de la nudité des hôpitaux, de l’effrayante mortalité qui éclaircissait si vite leurs rangs ! Ce n’est pas tout ; les soldats revenus en Angleterre, valides ou invalides, se trouvent sans ressources ; on ne sait qu’en faire, sur quel point les diriger, comment subvenir à leurs premiers besoins. Enfin, après avoir épuisé toute leur éloquence et avoir acquis la conviction absolue que le gouvernement espagnol ne les paierait pas, ils se sont adressés au ministère anglais lui-même, pour qu’il eût