Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
REVUE. — CHRONIQUE.

telle épreuve. » Ici nous nous dispensons de tout commentaire ; ces mots parlent assez haut. Ceux qui tiennent un pareil langage, sont dans toutes les conditions requises pour trouver innocente et même louable, la conduite de l’auteur de la brochure de M. Laity.

Quant à ceux des journaux de l’opposition, qui gardent encore quelque mesure et qui reculent devant la mission que se sont donnée quelques autres, d’ébranler la fidélité de l’armée, nous leur dirons que le gouvernement, en demandant l’expulsion de M. Louis Bonaparte, n’a fait de lui rien de plus qu’il n’était. M. Louis Bonaparte a troublé le pays par l’affaire de Strasbourg ; il a répandu en France des écrits incendiaires, par la main de M. Laity ; il a continué en Suisse ses machinations. C’était alors un citoyen français à n’en pas douter, car autrement à quel titre se fût-il présenté ? Était-ce en sa qualité de Suisse, et venait-il donc conquérir la France pour le compte de la confédération helvétique ou du canton de Thurgovie ? Réfugié en Suisse, il ne pouvait être envisagé, par le gouvernement français, que sous cette qualité de réfugié. Son expulsion a été demandée par une note de notre ambassadeur, comme eût été demandée l’expulsion de tout autre réfugié qui se fut livré à des menées coupables, comme on eût demandé celle d’un contumace d’avril, s’il s’était rendu à Arenenberg pour y organiser un comité, ainsi que l’ont annoncé quelques journaux étrangers. Ce contumace, ou tout autre, en serait-il devenu un personnage plus important ? eût-il pris en Europe le rang de prétendant à la présidence de la république française ? Or, que l’opposition le sache bien, elle qui s’adresse à l’Europe et qui se fonde sur l’inimitié des puissances pour tendre la main au nouveau prétendant, l’Europe a autant d’éloignement pour l’empire que pour la république, et ni l’une ni l’autre de ces combinaisons ne résulterait d’un appel à l’étranger, s’il était couronné de succès. Jusqu’ici nous avions cru que les légitimistes seuls fondaient leurs espérances sur l’Europe, et que l’énumération des armées de tel ou tel potentat n’entrait pas comme argument ad hominem, dans les raisonnemens du parti soi-disant national et patriotique ; mais nos mœurs politiques font chaque jour des progrès. On peut s’en apercevoir à la lecture des journaux que nous citons.

Que le déplorable spectacle dont nous gratifie l’esprit de parti, ne nous éloigne cependant pas de la question principale. L’opposition demande ce que fera le gouvernement français, bien décidée qu’elle est à le blâmer, soit qu’il s’arrête, soit qu’il songe à passer outre. Ce qu’il fera, nous l’ignorons ; mais il nous semble que sa conduite est toute tracée. Attendre une notification du vorort, qui lui annonce le départ de M. Louis Bonaparte, et notifier, en réponse au directoire helvétique, que le gouvernement français s’opposera, par tous les moyens qui sont en son pouvoir, au retour en Suisse du jeune réfugié : voilà, ce nous semble, la ligne de conduite la plus simple et la plus digne, et nous croyons que la Suisse, quels que soient les efforts des perturbateurs, se le tiendra pour dit.