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LA SICILE.

une troisième influence dans ses compositions. Pietro Novelli, dit le Morrealese, parce qu’il était né à Morréal, est le Raphaël de la Sicile. Son maître fut Carrera de Trapani, qui eut de la réputation en son temps. Pietro Novelli, son élève, eut le bonheur de faire la connaissance de Van-Dick, qui se trouvait à Palerme, et de profiter de ses conseils. On retrouve le faire de ce grand maître dans les ajustemens de Novelli et dans l’air cavalier de ses personnages. Novelli étudia aussi beaucoup les tableaux de l’Espagnolet. Son chef-d’œuvre est au couvent de Montréal ; on l’admirerait même entre un tableau de Rubens et un tableau de son maître Van-Dick. À son tour, Novelli a fait école. Ses élèves ne sont guère célèbres qu’en Sicile, et les amateurs éclairés, en Italie, connaissent seuls Carrega, Macro, Blasco, Gisello, Dimitri et le frère capucin Dominique de Palerme. Giacomo Loverde de Trapani est plus connu, et c’est, en effet, le premier des élèves de Novelli. Cette école est éteinte depuis long-temps.

Il y a, dans la Kalsa, une seule église où l’on ne trouve pas de tableaux de Novelli ; mais elle mérite qu’on y entre. C’est une ancienne mosquée qui a été convertie en église pour le couvent de Saint-François-d’Assise. La façade est tournée du côté de l’occident, et la porte principale est ornée de huit colonnes de marbre d’ouvrage sarrasin, avec des inscriptions arabes. L’église est divisée en trois nefs d’une délicieuse originalité. Au second pilastre en entrant, le sculpteur Valerio Villareale a placé un beau médaillon où est représenté le plus célèbre poète moderne de la Sicile, Giovanni Meli. Si vous pénétrez dans le cloître, vous verrez un escalier royal, des dortoirs majestueux, et tout ce luxe et cette grandeur qui se cachent au fond de presque tous les monastères de la Sicile.

L’architecture siculo-arabe fut bientôt remplacée en Sicile par le style normand ; les monumens de Palerme (et ces monumens sont presque tous des églises) sont de véritables chroniques. Les différentes dominations y sont écrites en arabesques, en cintres, en ogives, en chapiteaux, en rosaces, et à l’aide des ornemens des différens siècles. Chacun a marqué son passage en Sicile par quelque œuvre de son goût. Les Grecs ont laissé Ségeste, le temple de Minerve à Syracuse, quelques restes autour de Palerme ; Agrigente a conservé sur ses murs le nom des architectes grecs ; les Sarrasins se retrouvent partout ; les palais de leurs émirs sont encore ouverts à Palerme, où l’on peut aller voir la Ziza et la Cuba, et, sur vingt frontispices d’églises, on lit des passages du Koran. La conquête normande a grossièrement taillé ses bas-reliefs gothiques près des œuvres gracieuses du