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dant visite, me communiquait ses impressions sur ce qu’il voyait en France : — Plusieurs de nos journaux, me disait-il, semblent ne pas comprendre la situation de la France, de son roi et de son gouvernement. La France, par l’unanimité de ses suffrages, a porté au trône un prince d’une habileté que reconnaissent ses ennemis les plus exaspérés ; elle trouve naturel que ce chef de dynastie veuille s’occuper lui-même de ses affaires ; elle pense qu’il les entend mieux, et qu’il en sait mieux que personne les difficultés et les solutions possibles. Elle ne veut pas sans doute que cette action personnelle du roi s’exerce aux dépens de la constitution : les ministres sont là qui répondent et doivent répondre de tout ; ils ne font pas tout, mais ils couvrent de leur responsabilité les actes de la royauté ; ils les acceptent. Joignez à cette acceptation la sanction parlementaire, et vous avez une situation normale, vous avez la réalité du gouvernement représentatif, qui probablement ne provoque pas le talent dans la société pour l’exclure du trône.

C’est donc toujours aux ministres qu’il faut revenir pour leur demander compte de leur existence et de leur conduite. Or, il est clair qu’un homme d’état ne peut être au pouvoir qu’en confondant ses propres idées avec les inspirations royales ; on n’est pas plus ministre malgré le roi que malgré les chambres. Il est donc insensé de faire un crime à un ministère de son accord intime avec la royauté ; mais l’opinion a toujours le droit d’examiner si les ministres ont raison de rester à leurs postes, s’ils n’achètent pas leur durée par des complaisances anti-constitutionnelles, s’ils remplissent les devoirs d’hommes d’état et de citoyens. Remarquons d’abord qu’à considérer les injures que depuis trois mois et demi certains organes de la presse ont accumulées sur la personne de MM. Molé et de Montalivet, elles égalent bien la somme de celles qui ont été versées sur la tête de MM. Thiers et Guizot ; le petit ministère a eu l’honneur d’essuyer le même feu que la grande administration du 11 octobre ; sous ce rapport, l’amour-propre des membres du cabinet du 15 avril est à couvert ; ils n’ont pas été moins assaillis que leurs prédécesseurs, et cette égalité d’injures peut servir à prouver que leur situation n’est pas moins constitutionnelle. Je ne saurais vous exprimer jusqu’à quel point, à mon sens, l’opposition de la presse a manqué de tenue et d’habileté dans ses agressions envers le ministère. L’an dernier, tout le monde tombait d’accord sur les faits qui constituaient une situation nouvelle et meilleure. L’amnistie, le mariage du prince royal, les dispositions conciliatrices du cabinet du 15 avril parais-