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REVUE. — CHRONIQUE.

implicitement qu’il reconnaît la justice des réclamations du gouvernement français. En exprimant le désir de ne plus voir troubler à l’avenir la bonne harmonie de deux pays rapprochés par leurs souvenirs, comme par leurs intérêts, le directoire a donné une désapprobation éclatante aux meneurs qui s’efforçaient de troubler cette union. La réponse du gouvernement français à cette note sera, sans nul doute, ce qu’elle doit être ; nous l’attendons digne de la noblesse d’esprit de M. Molé, digne en même temps du pays qu’il a représenté, en cette circonstance, avec une vigueur calme et une modération que n’exclut pas l’énergie. Cette réponse sera probablement ostensible, et nous ne doutons pas qu’elle satisfera à la fois les amis de l’ordre en France comme en Suisse.

L’acceptation par le pacha d’Égypte du traité de commerce, signé à Constantinople, entre la Turquie, l’Angleterre, et reçu par l’amiral Roussin au nom de la France, seulement ad referendum, est un évènement plus inattendu que la conclusion de l’affaire suisse, que tous les bons esprits avaient su prévoir. Quelques jours avant la réception de la dépêche qui annonçait cette nouvelle au gouvernement, les journaux français et anglais déclaraient, sur la foi de leurs correspondans d’Alexandrie, que le pacha n’adhérerait jamais à un traité qui abolit le monopole en Égypte. On rappelait que le traité de Kiutaia garantissait à Méhémet-Ali une indépendance absolue dans ses domaines d’Égypte, de Syrie et d’Arabie, et que ce traité se trouverait virtuellement abrogé par le traité de commerce de Constantinople. Les espérances trompées en Suisse se ranimaient du côté de l’Égypte. La Russie se préparait, disait-on, à reparaître devant Constantinople au premier signal des hostilités du vice-roi contre le grand-seigneur. On croyait déjà la guerre engagée en Europe, et la France entraînée dans le mouvement général qui se préparait. Ces espérances n’étaient pas tout-à-fait dénuées de fondement, non pas que la détermination du pacha dût avoir des suites aussi graves que celles qu’on voulait bien supposer ; mais la paix de l’Orient n’eut pas moins été en péril, s’il eût suivi ses premières inspirations. Quelques jours après la réception du traité, le consul de France trouva, en effet, le vice-roi peu disposé à accéder à cette convention. Ses traits étaient calmes et sourians, et il se livrait à l’examen de sa situation avec le sang-froid qu’il puise, en toute occasion, dans la supériorité de son caractère. Le pacha développa avec beaucoup de sagacité les inconvéniens du traité de Constantinople, dont ni la France ni l’Angleterre ne retireraient, disait-il, les avantages qu’elles s’en promettaient, et il le qualifia de duperie. Quant à lui, ajouta-t-il, s’il insistait pour la continuation du monopole en Égypte, ce n’était pas qu’il en fût partisan. Au contraire, là et ailleurs il le blâmait ; mais rien n’était préparé dans ses états pour le remplacer, il lui faudrait quelques années pour aviser à un autre mode d’administration. Ce mode, il le trouverait sans doute, car étant propriétaire de toutes les terres de l’Égypte, il serait toujours maître de fixer le prix du vendeur à l’acheteur. Toutefois, il voulait voir l’effet que produirait