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EXPÉDITION AU SPITZBERG.

Sur les ondes du golfe on voit de loin surgir
Le rocher de Munkholm que la mer bat sans cesse ;
Mais la mer qui mugit ne le fait pas fléchir,
Et le flot fatigué se retire et s’affaisse.

Que l’aspect de ce roc nous apprenne à souffrir
Les rigueurs du destin, les orages du monde.
Je regarde ces murs d’où je ne puis sortir,
J’entends autour de moi la vengeance qui gronde.

Mais votre nom, grand Dieu ! sera notre rempart.
Si vous nous protégez, si partout où nous sommes
Vos anges sur nos pas étendent leur regard,
Que nous fait le pouvoir et la haine des hommes ?

Maintenant ces sentences écrites sur les murailles ont été effacées. La chambre qu’occupait Griffenfeld a été transformée en arsenal. Il ne reste de sa prison que les barreaux de la fenêtre par laquelle plus d’une fois, sans doute, il regarda avec douleur la ville bâtie au bord du golfe et le navire fuyant dans le lointain.

Dans cette même rue des Moines, où l’histoire primitive apparaît ainsi en face de l’histoire moderne, on aperçoit à droite, en montant vers la cathédrale, une maison en bois à un seul étage, peinte en jaune, remarquable entre toutes les autres par sa modeste construction. C’était autrefois le seul hôtel de Drontheim. La bonne vieille femme qui l’a fondé il y a une cinquantaine d’années, et qui l’occupe encore, ne se rappelle pas sans un certain sentiment d’orgueil la prospérité dont il a joui long-temps, les éloges que les voyageurs lettrés lui donnaient dans leurs livres, et la gloire que le comfort de ses appartemens, les combinaisons hardies de sa cuisine, lui avaient acquise dans les pays lointains. Un jour elle vit arriver un jeune homme qui lui demanda d’une voix timide une chambre pour lui et son compagnon de voyage. Mme Holmberg lui montra une chambre d’étudiant bien humble et bien étroite. Elle fit mettre un matelas sur le parquet, et les deux étrangers restèrent là cinq jours, puis partirent pour le cap Nord. Nous avons vu cette chambre à peu près telle qu’elle était il y a quarante ans, et Mme Holmberg nous la montrait avec une naïve vanité d’hôtesse ; car ce jeune homme qu’elle avait reçu comme un étudiant, c’était un prince français : c’était Louis-Philippe, duc d’Orléans.

Je ne terminerai pas ce tableau de la Munkgade sans ajouter qu’on y voit encore la maison du gouverneur, le plus grand édifice en bois, disent les habitans de Drontheim, qui existe en Europe, et la maison élégante qui renferme à la fois les salles d’étude du gymnase et les collections de l’académie des sciences. Cette académie, la seule qui existe en Norwége, fut fondée en 1760 par deux hommes d’un grand mérite, Suhm et Schœning, et enrichie