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traire, quand il doute à son tour, se rapproche de la discussion purement philosophique ; quelquefois même il s’en tient exclusivement aux enseignemens pratiques, aux applications de la morale usuelle, ou à des questions sociales. Ainsi le Breton Pelage, ainsi, au XIIe siècle, Valdo le bourgeois de Lyon.

L’origine des sectes vaudoises, leurs doctrines, ont été également contestées. Les protestans ont vu dans Valdo, le prédicant du midi, un précurseur de Luther, une sorte de messie de la réforme qui liait le radicalisme religieux du XVIe siècle aux doctrines primitives de l’église. Ils ont assigné aux Vaudois une antiquité plus haute, pour donner à leurs propres idées la sanction du temps et un cachet plus austère d’épuration et de vérité, en les rapprochant de plus près des âges primitifs. C’était l’application de cette maxime qui fut celle de la plupart des sectaires : Id verius quod prius. L’auteur anonyme des Recherches sur la véritable origine des Vaudois s’est appliqué surtout, dans son livre, à démontrer que cette hérésie a spontanément pris naissance dans le XIIe siècle, qu’on n’en retrouve aucune trace dans les âges antérieurs, et qu’il n’existe, entre elle et l’église naissante, aucune affinité de principes dogmatiques ou moraux. Ce livre est moins une étude d’histoire qu’une œuvre exclusive de controverse religieuse ; c’est un essai de réfutation dirigé contre les écrivains qui, à diverses époques et même de notre temps, ont tenté de justifier les Vaudois ou de flétrir les persécutions qui les frappèrent dans le moyen-âge ; mais l’auteur, catholique ardent, a toujours écrit sous l’impression de sa prévention religieuse. Sous le rapport de la critique historique, ce livre laisse beaucoup à désirer. La forme en est diffuse, l’expression embarrassée, les déductions fort contestables ; mais il offre du moins quelque intérêt comme recherches et instrumenta. Les pièces justificatives, réunies à la fin du volume, résument en quelques pages les opinions les plus saillantes des écrivains ecclésiastiques du moyen-âge sur Valdo, ses disciples, leurs mœurs et leurs croyances. Saint Bernard, Alain de Lille, Pierre de Polichdorf, Guillaume de Puy-Laurens, Pierre de Vaux-Cernay, les lettres d’Innocent III, Léger, sont cités tour à tour. Mais ces sources historiques sont-elles toujours pures, impartiales ? doivent-elles être acceptées d’une manière absolue. Nous sommes loin de le penser. Nous reconnaissons, avec MM. Michelet et de Montalembert, les élémens de troubles, d’immoralité et de désordre que les hérésies du XIIe siècle jetèrent dans le midi de la France ; mais nous pensons qu’il convient, pour être juste, d’isoler complètement Valdo et ses disciples, dans la première manifestation de leurs doctrines, de ces truands qui passaient leurs journées assis au soleil et ne se levaient que le soir pour aller mendier ou piller. C’était un vague besoin de liberté sauvage qui portait ces ardentes populations à récuser le joug de l’église. Chez Valdo, au contraire, c’était le besoin senti d’une réforme déjà urgente. La société religieuse tendait ouvertement à la domination temporelle ; le clergé opposait à l’affranchissement communal une résistance inquiète, et toutes