Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/407

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
403
REVUE LITTÉRAIRE.

Tels sont les évènemens que M. Massiou a racontés dans la seconde partie de son livre ; il a su intéresser vivement, parce qu’il a combiné dans de justes proportions l’histoire des localités avec l’histoire générale de la France. De plus, M. Massiou fait un excellent usage des documens contemporains qu’il traduit avec intelligence et qu’il analyse avec clarté. Plusieurs de ses récits sont écrits d’un style rapide, animé et plein de vigueur : je recommande, par exemple, le récit de la bataille de Taillebourg.

La troisième période de l’Histoire d’Aunis et de Saintonge commence avec les premières guerres de religion, au XVIe siècle. Dès l’origine, la Saintonge, et principalement l’Aunis et La Rochelle, sa capitale, devinrent le foyer des doctrines nouvelles. Les villes du littoral de l’Océan avaient toujours conservé avec l’Angleterre des relations commerciales, et c’était par ces villes que les réformés recevaient les secours intéressés d’Élisabeth. L’Angoumois, la Saintonge et l’Aunis offraient un asile assuré aux calvinistes persécutés. Les catholiques n’étaient pas assez puissans pour combattre la réforme dans ces provinces, et, en 1573, La Rochelle, défendue par La Noue, résista avec succès, pendant un siége long et meurtrier, à toutes les forces de l’armée royale.

M. Massiou a remarqué avec raison que, dans les premiers temps des guerres de religion, le calvinisme n’avait point été populaire en France, et qu’il n’y avait eu que des batailles de gentilshommes. Mais bientôt, la réforme ayant fait de rapides progrès parmi le peuple, il fallut aussi lutter contre les villes. Il y eut alors une réaction dans le parti catholique, et l’on vit s’organiser, sur tous les points de la France, cette vaste confédération qui fut appelée sainte ligue. Cependant la victoire ne devait rester ni aux calvinistes ni à la ligue. Ce fut le parti des modérés, des politiques, comme on disait, qui l’emporta ; il plaça sur le trône Henri IV, rusé monarque qui n’avait jamais été un zélé calviniste, et qui, après son abjuration, ne devint pas un bon catholique. Nous devons dire ici que, suivant nous, M. Massiou a mal apprécié la ligue. Il y avait, jusqu’à un certain point, dans la réaction catholique, quelque chose de plus national que dans le calvinisme. Les réformés, qui recevaient de l’Angleterre des secours en argent et en soldats, songèrent plus d’une fois à démembrer la France. Ici, nous ne tombons point dans l’exagération. On sait que, sous Louis XIII, ils tentèrent, en coupant la France en plusieurs cercles, de former une vaste confédération de toutes les cités calvinistes, et d’opposer cette république nouvelle à l’unité monarchique. Ils arrêtaient ainsi le progrès et anéantissaient d’un coup le travail des siècles, l’assimilation lente et successive de toutes les provinces. M. Massiou dit, en parlant du siége de La Rochelle par Richelieu : « La plupart des grands seigneurs, qui voyaient dans la métropole du calvinisme le dernier boulevart de l’indépendance nationale et le dernier frein de l’absolutisme royal, combattaient à regret contre elle, pressentant que la chute de cette cité républicaine serait le signal de leur asservissement. » Nous ne croyons plus aujour-