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d’hui que le système monarchique du règne de Louis XIII ait été nuisible aux vrais intérêts de la France ; nous ne croyons pas non plus que la chute de La Rochelle ait porté un coup funeste à l’indépendance nationale. La prise de La Rochelle par Richelieu sauva la France en sauvant la royauté. La France, en tant que nation, tira de grands avantages de la ruine d’un parti qui (je mets de côté la question religieuse) était dangereux par ses doctrines politiques. La prise de La Rochelle fut un des évènemens qui contribuèrent le plus à constituer la stricte unité de la France, sous Louis XIV. Je ne veux justifier ici ni les atteintes portées à la liberté de conscience, ni les persécutions suscitées aux calvinistes par l’intolérance religieuse ; c’est pourquoi je trace, entre la conduite de Richelieu et celle de Louis XIV qui révoqua iniquement et sans cause l’édit de Nantes, une ligne de démarcation profonde. Louis XIV avait exagéré le système de Richelieu, et à coup sûr l’ordonnance de 1685, restera toujours comme une page honteuse dans l’histoire du grand roi.

Nous ne pouvons, dans cette revue bibliographique, pousser plus loin l’examen du livre de M. Massiou. L’Histoire de l’Aunis et de la Saintonge est un ouvrage à distinguer dans un temps où l’on oublie trop les vieilles méthodes et où l’on induit souvent à priori sans étudier à fond les faits. Autrefois, on ne procédait point de la sorte ; on travaillait avec lenteur, avec ce calme de l’esprit qui est si précieux à la science ; on amassait par devers soi des trésors d’érudition, et c’est alors seulement qu’on osait tirer les conclusions et qu’on écrivait. Un demi-siècle de méditations et de veilles, au fond d’une cellule, dans le silence du cloître, n’était quelquefois pas trop, aux yeux d’un bénédictin, pour rédiger un bon ouvrage. De nos jours, au contraire, on a hâte d’en finir avec les recherches ; on ne passe plus par le particulier pour arriver au général et aux synthèses hasardées. Cette tendance fâcheuse vers une généralisation prématurée a porté un coup funeste à la vraie science, et c’est à peine si, au milieu de l’entraînement général vers cette déplorable manière, la voix de quelques-uns des vrais maîtres peut encore se faire entendre. Mais, avec tout le talent possible, les excès n’ont qu’une influence momentanée, et déjà nous avons d’éminens exemples d’une saine réaction. On n’en veut ici pour preuve que le livre de M. Massiou, qui s’est préservé avec sagesse de tous ces écarts. M. Massiou n’a point dédaigné l’étude des faits, il a dépouillé avec attention, avec persévérance, nos grandes collections historiques, il a fouillé dans nos archives, il a enfin consumé bien des heures dans l’examen difficile et aride des chartes et des vieux titres. Aussi, je le répète, malgré quelques imperfections et quelques longueurs, l’Histoire de la Saintonge et de l’Aunis, qui n’aura pas moins de huit à dix volumes, a sa place marquée au-dessus de beaucoup d’ouvrages moins modestes, dont le succès peut être plus bruyant, mais sera à coup sûr moins durable.