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ou à l’église presbytérienne écossaise, dont les intérêts se confondent aujourd’hui avec ceux de l’église épiscopale, telle est la force véritable du torysme. C’est par elle qu’il a pu résister si long-temps à l’émancipation des catholiques et des dissidens et à la réforme parlementaire ; c’est en s’appuyant sur elle qu’il lui est donné de retarder ou de modifier aujourd’hui les conséquences de ces grandes résolutions. Les fermiers conduits par leurs propriétaires, et catéchisés par leurs ministres, là est le centre et comme le cœur de la nationalité britannique. Lorsqu’on pénètre jusqu’à cette couche solide et immobile de la société, lorsqu’on voit combien tous ces intérêts sont liés par le mode tout féodal de la transmission du sol et les conditions obligées de la grande culture, on a vraiment lieu de s’étonner bien plus des conquêtes récentes de l’esprit libéral dans la Grande-Bretagne, que des résistances que ces conquêtes ont rencontrées.

Une autre observation, d’ailleurs, n’a pu échapper à quiconque a étudié l’Angleterre : c’est la subordination où sont, dans ce pays, les villes par rapport aux campagnes, et l’influence prépondérante du comté sur le bourg.

À part Londres, qui rassemble pendant quatre mois toute l’Angleterre opulente, à part les grandes villes d’industrie et les ports maritimes ayant une population considérable et distincte, la plupart des villes de province sont exclusivement habitées par des marchands en détail et un petit nombre de personnes vouées aux professions libérales. À ceci vient s’ajouter, pour les villes épiscopales, un autre élément de population et d’influence, les nombreuses familles ecclésiastiques formant l’entour obligé de l’évêque et du chapitre. Nulle part en Europe, sans en excepter l’Espagne, vous ne rencontrez, en effet, de villes à la physionomie plus sévère, plus compassée, plus cléricale, que ces cités anglaises groupées autour d’une gothique cathédrale, avec un cimetière à ses pieds, où dorment les aïeux, au centre même du mouvement et de la vie, enveloppés de l’ombre du saint édifice.

Les gentlemen habitant constamment leurs terres, on ne trouve dans les villes rien d’analogue à notre classe si nombreuse de propriétaires urbains. Le médecin court de château en château ; le banquier reçoit les fonds des grands propriétaires, dont il est presque toujours l’agent et la créature ; les gens de loi ne vivent que par leurs rapports avec eux, et n’ont, d’ailleurs, d’importance réelle qu’à Londres, où la législation concentre presque toutes les affaires civiles.

Le contraste est bien plus manifeste encore relativement à l’administration locale. Au lieu d’avoir, comme en France, son siége dans les villes, celle-ci s’exerce, pour ainsi dire, du fond des campagnes. À