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Aussi le duc de Wellington n’hésita-t-il pas à suivre un mouvement où se confondaient toutes les classes, et, pour ainsi dire, tous les partis. Ce mouvement, en effet, était alors si impétueux, que, lorsque le ministère voulut prendre dans la question hollando-belge une attitude qui pouvait le séparer de la France, il dut bientôt y renoncer, et que l’inspecteur-général de la barrière européenne, sacrifiant ses répugnances, se vit contraint de sanctionner ce protocole du 4 novembre, qui fut, pour la Belgique, son premier titre devant l’Europe.

Dans ces jours d’excitation universelle, une administration tory était déjà fort difficile ; elle devint impossible lorsque la mort de George IV, donnant ouverture à des élections générales, fit sortir un parlement nouveau du sein de cette crise. Guillaume IV, d’ailleurs, tout attaché qu’il fût aux maximes de la vieille constitution, n’était pas, par ses relations, séparé des whigs, et avait pris depuis long-temps sur plusieurs questions, entre autres sur la question catholique, une attitude opposée à celle du roi, son prédécesseur, ce brillant renégat des principes et des amitiés de sa jeunesse. Ainsi affaiblis du côté de la couronne et débordés par des évènemens insurmontables, les tories ne pouvaient manquer de succomber dans la lice électorale.

On sait qu’éclairé sur sa situation parlementaire par un vote des communes relatif à la liste civile du nouveau règne, le cabinet en masse donna une de ces démissions loyales qu’imposent dans ce pays à toutes les ambitions individuelles et la compacte unité et la forte discipline des partis.

Par une autre conséquence de cette organisation puissante qui fait de l’opposition un ressort vraiment gouvernemental, quelque chose de clairement défini dans ses griefs, de limité dans ses exigences, le parti whig fut appelé à hériter du parti tory ; et l’homme en qui se personnifiait, depuis la mort de Fox, cette grande opinion, se trouva par la seule force des choses placé, plutôt qu’appelé, à la tête du gouvernement.

Lord Grey arrivait au pouvoir sans intrigue ; il pouvait dès-lors l’exercer sans complaisance. Stipulant bien moins en son nom qu’au nom de son parti, ses conditions étaient connues à l’avance, et nul ne pouvait songer à lui en faire d’autres. Entré aux communes à une époque où l’essor des doctrines de liberté n’était pas encore ralenti par l’effet de la révolution française, le jeune député du Northumberland avait ardemment combattu pour elles. Pair d’Angleterre et premier lord de l’amirauté en 1806, successeur de Fox aux affaires étrangères, à la mort du grand orateur, lord Grey avait toujours été