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Pour les élections de comtés, les copyholders et les leascholders, ainsi désignés selon la nature du titre à eux conféré par le seigneur foncier, acquéraient la capacité électorale lorsqu’ils payaient une rente annuelle de 10 livres sterling pour les baux de soixante ans, et de 50 livres pour les baux de vingt années, disposition qui fut plus tard gravement modifiée à la chambre des communes et malgré les efforts du ministère, en ce sens que la franchise électorale fut accordée à tout fermier payant 50 livres sterling même sans bail, ce qui les maintenait, vis-à-vis de leur propriétaire, dans un état obligé de dépendance[1].

Aucun changement ne fut proposé relativement au droit des freeholders à 40 shellings, possesseurs d’un franc fief originairement concédé sous certaines conditions de service ou de redevance. Là était la force de la vieille aristocratie, et l’on doit, ce semble, remarquer que dans le cours de ces orageux débats on parut s’accorder pour respecter ce vieux titre dont l’origine se perdait dans la nuit des âges.

Enfin, par un solennel hommage à cette doctrine d’uniformité qui s’établissait pour la première fois dans la loi anglaise, des bases analogues furent proposées pour la représentation de l’Écosse et de l’Irlande.

Quelles que pussent être dans le présent les conséquences d’un tel bill, il était d’une immense portée pour l’avenir. Il créait cinq cent mille électeurs nouveaux, et, malgré ses concessions à l’influence terrienne, il tendait à établir la prépondérance des classes bourgeoises, si dans ce pays ces classes se fussent dès lors trouvées en mesure de profiter de l’esprit et du bienfait de la loi. C’était, pour la Grande-Bretagne, quelque chose d’analogue à notre loi électorale de 1817, quoique de bien plus démocratique, et si les résultats furent instantanés pour la France, tandis qu’ils se font attendre en Angleterre, c’est que la législation française consacrait un fait accompli, lors que la loi anglaise s’est bornée à poser un principe que le temps doit féconder.

Ne faut-il voir dans ce bill que l’effet de circonstances impérieuses, et ne s’expliquerait-il pas aussi par une connaissance intime du génie du pays, par cette haute et ferme confiance que, sous l’empire de la loi nouvelle, la force hiérarchique continuerait de s’exercer d’une manière non moins efficace, dans des conditions plus rationnelles ? Les auteurs du bill de 1831 pressentaient-ils tout ce qu’il faudrait de temps et d’efforts aux classes moyennes pour conquérir le pouvoir

  1. Amendement du marquis de Chandos.