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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

pour celle-ci le taux de la franchise municipale, malgré les résistances du ministère ; et, dans cette opposition sans relâche au cabinet Melbourne, la pairie s’appuie aujourd’hui au sein de la chambre élective sur un parti compacte qui touche au moment de devenir majorité.

L’acte de 1832, appliqué à la France, eût été l’infaillible signal d’une révolution démocratique, et voici qu’en Angleterre cet acte produit, après six années, de tels résultats que les tories appellent les élections prochaines avec autant de confiance et d’empressement que leurs adversaires les redoutent ; vœu téméraire, peut-être, mais très réel, à coup sûr, au sein de l’opinion conservatrice.

Cette situation des esprits, cette position inattendue des choses, tiennent sans doute à des causes intimes et organiques ; elles constatent qu’aucune altération vraiment grave ne s’est encore manifestée dans les idées du pays légal, pour employer une expression de ce côté-ci de la Manche, et qu’à l’exemple de l’émancipation catholique, la réforme parlementaire est sortie de la force d’évènemens extérieurs plus encore que des progrès de la pensée publique. Mais la réaction conservatrice s’explique aussi par des circonstances dont la portée ne saurait être appréciée parfaitement hors de la Grande-Bretagne.

Les élections qui suivirent immédiatement la réforme donnèrent accès dans la chambre à un assez grand nombre de radicaux, tout échauffés encore de la fièvre de 1830. Plusieurs d’entre eux se firent une illusion complète sur l’état d’excitation où était jeté le pays ; ils crurent que le moment était venu d’arracher par la force les conséquences d’un principe conquis par elle, et les voûtes de Saint-Étienne entendirent des propositions à faire reculer d’épouvante les illustres ombres qui les avaient habitées.

Pendant que les hommes modérés de l’opinion radicale, en protestant de leur respect pour les bases de la constitution, se bornaient à réclamer avec le ballot et des parlemens à plus courte durée l’abolition du vote par procuration dans la chambre des lords et la faculté pour la couronne de nommer un certain nombre de pairs à vie, et le droit commun pour l’Irlande, avec l’application à l’enseignement populaire de l’excédant des revenus de l’église ; les révolutionnaires purs, formés à l’école française de 92, chefs et orateurs des sociétés populaires, demandaient le suffrage universel, l’élection annuelle, la suppression du cens d’éligibilité, le salaire des députés, etc., etc. Quant à la pairie et à l’établissement religieux, on invitait le peuple à en faire bonne et prompte justice. Une convention et la contribution volontaire pour le culte, tel était le résumé d’un système dont nous n’avons pas besoin qu’on nous déroule les conséquences.