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REVUE. — CHRONIQUE.

dre de faits différent, M. de Campuzano donnera le secret de ces mouvemens révolutionnaires sans cesse renaissans, qui ont toujours nui à la cause constitutionnelle, et moralement et matériellement, qui ont toujours profité à don Carlos, qui ont privé la reine de ses plus courageux défenseurs depuis Canterac jusqu’à Quesada, qui ont désorganisé les armées nationales, couvert l’Espagne de sang et d’opprobre, humilié ses amis en Europe, provoqué d’horribles représailles, et éloigné les cœurs de ses intérêts, sans que jamais au moins on en voie sortir, comme des excès de notre révolution, le triomphe et le sûr établissement de la liberté ! Erreur : de tout cela M. de Campuzano ne sait et ne dit mot. Vraiment, il a bien de plus importantes révélations à nous faire. C’est dans une sphère plus haute que se meut son intelligence. Croyez-vous que ce soit pour rien qu’il ait vu de près M. le prince de Metternich et le roi Louis-Philippe, qu’il ait étudié à la fois l’Autriche et la France, et qu’en étudiant l’Autriche, il ait fait aussi de l’Italie l’objet de ses plus profondes méditations ! Sans doute, s’il n’avait pas des vérités fort extraordinaires à dire, il ne prendrait pas la plume. Et pourquoi donc la prend-il ? C’est ce que nous allons voir.

M. de Campuzano a découvert que l’Espagne manquait d’hommes et d’argent pour terminer heureusement et promptement la guerre civile, et il l’engage de toutes ses forces à s’en procurer. Rien de plus simple. Il ne demande qu’une bonne armée de 150,000 hommes, bien distribuée, bien commandée, bien approvisionnée, régulièrement payée, pourvue enfin de tout ce qu’il faut pour vaincre des troupes inférieures en nombre, en organisation, en discipline, en matériel et en ressources de toute espèce. Hoc signo vinces, dit-il ensuite à son armée de 150,000 hommes. Fort bien ! voilà une excellente et nombreuse armée sur pied. Il ne manque plus à la pauvre Espagne de M. de Campuzano qu’un peu d’argent. Mais c’est la moindre des difficultés. M. Safont, grand capitaliste, ami intime de M. Mendizabal, et très lié aussi avec le comte de Rechen, tient à la disposition du gouvernement 200,000,000 de réaux effectifs, comptant, à toucher tout de suite. Puis, comme ce n’est pas assez pour exécuter un plan que l’ex-ambassadeur à Paris et à Vienne juge aussi infaillible que nécessaire, on émettra 500,000,000 de réaux de papier-monnaie. N’allez pas vous récrier sottement à ce mot de papier-monnaie, qui sonne mal, je le reconnais ; vous prouveriez que vous ne connaissez pas votre histoire. Les États-Unis, pendant la guerre de l’indépendance, ont eu du papier-monnaie, et les assignats de la révolution française n’étaient que du papier-monnaie, dont vous ne pouvez pas ignorer que la France s’est admirablement trouvée. Il est vrai que, dans leur dernière session, les cortès, après un examen que l’on croyait consciencieux et éclairé, ont jugé inadmissibles les propositions de M. Safont : c’est-à-dire, ou que M. Safont n’avait pas d’argent et que ce protégé de M. Mendizabal n’était qu’un charlatan, ou qu’il offrait son argent à des conditions ruineuses, devant lesquelles a reculé le patriotisme des cortès. Mais il paraît que celui de M. de Campuzano ne s’effraie pas de si peu. Il est vrai encore que tous les papiers-monnaie émis en temps de révolution, et pour soutenir les révo-