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POÈTES ET CRITIQUES LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

et dans la suite inépuisable des esprits. Il y a de ces retours à distance, de ces correspondances imprévues. Un siècle illustre disparaît ; le glorieux talent qui le caractérisait le mieux, et dans les nuances les plus accomplies, meurt, en emportant, ce semble, son secret ; ceux qui le veulent suivre altèrent sa trace, les autres la brisent en se jetant de propos délibéré dans des voies toutes différentes ; on est en plein dans un siècle nouveau, qui lui-même décline et va s’achever. Tout d’un coup, après ce long espace et cette interruption qui semble définitive, un talent reparaît, en qui sourit une douce et chaste ressemblance avec l’aïeul littéraire. Il ressemble, sans le vouloir, sans y songer, et par une originalité native. Dans le fond des traits, dans le tour des lignes, à travers la couleur pâlie, on reconnaît plus que des vestiges. C’est le rapport de M. de Fontanes à Racine ; il est de cette famille, et il s’y présente à nous comme le dernier.

Plus la figure littéraire est simple, douce, pure, élégante, sensible sans grande passion, plus il devient précieux d’en étudier de près l’originalité au sein même de cette ressemblance. Si le poète n’a pas fait assez, s’il a trop négligé d’élever ou d’achever son monument, cela s’explique encore et doit sembler tout naturel ; c’est qu’un instinct secret lui disait : « La grande place est remplie, l’aïeul la tient. Il suffit que moi, qui viens tard, je ne sois pas indigne de lui, que je l’honore par mon goût dans un siècle bien différent déjà, et que jamais du moins je n’aie faussé son lointain et supérieur accord par mes accens. »

Dans cette sobriété et cette paresse même du poète, se retrouve donc un sentiment touchant, modeste, et qu’on peut dire pieux. Je n’invente pas : M. de Fontanes le nourrissait en son cœur et l’a exprimé en plus d’un endroit. Dans son ode sur la littérature de l’empire, rappelant les modèles du grand siècle, beaucoup moins méconnus et moins offensés alors par les docrines que par les œu-

    génie qui ont passé par le cœur. La notice que voici, de M. Sainte-Beuve, devra intéresser par avance à l’édition. M. Sainte-Beuve a été heureux cette fois, par l’abondance des matériaux et des communications qu’il a reçus, de pouvoir se livrer avec étendue à son goût pour la biographie littéraire : il a tâché de faire, une fois du moins, puisque l’occasion et la bienveillance le servaient, quelque chose de complet en ce genre. On voudra donc bien entrer avec lui dans ce détail prolongé en divers sens, lequel ici a été son but même. Quelques biographies développées, dans ce genre-là, éclaireraient, ce semble, et reconstitueraient, pour ainsi dire, l’histoire littéraire d’une époque dans des parties très connues des contemporains, trop oubliées après eux, et bientôt recouvertes d’ombre à jamais. Nous tâcherons de suivre cette idée et cette manière en l’appliquant encore à d’autres noms.