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LA PRÉFACE DE RUY BLAS.

est parent d’Hernani au point de vue historique, mais à ce point de vue seulement, et qu’il nous offre le crépuscule de la maison d’Autriche en Espagne, comme Hernani nous en avait offert l’aurore.

La note placée après la pièce n’est pas moins instructive que la préface, et nous croyons qu’elle la complète dignement. Il est bien entendu, dit M. Hugo, que, dans Ruy Blas comme dans tous les ouvrages précédens de l’auteur, tous les détails d’érudition sont scrupuleusement exacts. Tout ce qui concerne le costume, les ameublemens, les finances, est puisé aux sources les plus authentiques. Il est bien entendu est à mes yeux d’une valeur inestimable ; il est impossible de se décerner un brevet d’érudition avec plus de modestie et de fierté. Il est bon que le mérite ait conscience de soi-même, et n’hésite pas à se proclamer. M. Hugo n’a besoin du témoignage de personne pour démontrer ce qu’il vaut. Il connaît profondément la géographie, la politique et les finances de l’Espagne, et si vous en doutez, il vous le prouvera en affirmant qu’il les connaît. Il est bien entendu que son érudition n’a pas de bornes et défie toutes les critiques. Cependant, comme nous vivons dans un siècle sceptique, comme il pourrait se rencontrer parmi les lecteurs de Ruy Blas un homme assez hardi pour ne pas croire M. Hugo sur parole, l’auteur pousse la condescendance jusqu’à choisir une preuve entre mille. En parlant des finances de l’Espagne, il a prononcé le mot d’almojarifazgo ; eh bien ! il quitte les hauteurs de son érudition pour nous expliquer le sens du mot almojarifazgo. Almojarifazgo, je vous le donne en mille, signifie l’impôt de 5 pour 100 perçu sur les marchandises qui allaient de l’Espagne aux Indes. Parmi tous les financiers qui ont administré la fortune de l’Espagne depuis un demi-siècle, il n’y en a peut-être pas un qui connaisse le sens du mot almojarifazgo ; mais il faut savoir que ce mot, d’une physionomie toute cabalistique, est demi-arabe, demi-espagnol. L’explication d’almojarifazgo démontre surabondamment le savoir philologique de M. Hugo. Il n’est plus permis désormais d’interroger l’auteur de Ruy Blas. Il est bien entendu que M. Hugo est un homme encyclopédique. Tout ce qu’il dit est souverainement vrai, par cela seul qu’il le dit.

Après cette rapide esquisse des finances espagnoles, l’auteur de Ruy Blas s’occupe des acteurs qui ont joué sa pièce ; il épuise pour eux toutes les formes de la louange, et les complimente avec autant d’élégance que de hardiesse. Il voit dans M. Féréol un homme qui n’a pas oublié que l’Espagne a eu des don Quichotte après le roman de Cervantes. C’est là, si je ne me trompe, un éloge délicat et ha-