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DES SYSTÈMES HISTORIQUES.

faits de l’histoire authentique. Au XIIe siècle, l’étude scientifique du droit romain vint donner à ces traditions une force nouvelle et fit naître, pour les propager, une classe d’hommes toute spéciale, sortie de ce qu’il y avait de plus romain sur le sol de la Gaule, les grandes villes.

Les légistes, dès qu’ils purent former un corps, travaillèrent, avec une hardiesse d’esprit et un concert admirable, à replacer la monarchie sur ses anciennes bases sociales, à faire une royauté française à l’image de celle des Césars, symbole de l’état, protectrice pour tous, souveraine à l’égard de tous, sans partage et sans limites. Ils fondèrent une école théorique et pratique de gouvernement, dont le premier axiome était l’unité et l’indivisibilité du pouvoir souverain, qui, en droit, traitait d’usurpation les seigneuries et les justices féodales, et qui, en fait, tendait à les détruire au profit du roi et du peuple. Remontant par la logique, sinon par des souvenirs clairs et précis, jusqu’au-delà du Ve siècle et du démembrement de l’empire romain, ils regardaient comme nulle l’œuvre du temps écoulé depuis cette époque ; ils ne voyaient de loi digne de porter ce nom que dans le texte des codes impériaux, et qualifiaient de droit odieux, droit haineux, la coutume contraire ou non conforme au droit écrit ; ils donnaient au roi de France le titre d’empereur et appelaient crime de sacrilége toute infraction à ses ordonnances[1]. « Sachez, dit un vieux jurisconsulte, qu’il est empereur en son royaume, et qu’il y peut faire tout et autant qu’à droit impérial appartient[2]. » Cette maxime, développée dans toutes ses conséquences, et s’alliant à la vieille doctrine bourgeoise des libertés municipales, devint la voix du tiers-état dans les grandes assemblées politiques du XVe et du XVIe siècle.

Tel était l’assemblage confus de croyances traditionnelles et d’opinions dogmatiques, de notions incertaines et de convictions passionnées, au milieu duquel éclata, dans le XVIe siècle, la renaissance des études historiques. Après que les livres de l’antiquité grecque et latine eurent tous été mis au jour par l’impression, les esprits avides

  1. Droit haineux est le droit qui, par le moyen de la coutume du pays, est contraire au droit écrit… Droit commun est, comme les sages disent, un droit qui s’accorde au droit écrit et à coutume du pays, et que les deux sont consonnans ensemble, si que droit écrit soit conforme avec la coutume locale à tout le moins ne lui déroge, au contraire, car lors est ce droit commun et coutume tolérable (Somme rurale ou Grand Coutumier général de pratique civile, par Jean Bouteillier, édition de 1603, pag. 3.) – Crime de sacrilége si est de faire dire ou venir contre l’établissement du roy ou de son prince, car de venir contre, c’est encourir peine capitale de sacrilége. (Ibid., pag. 174.)
  2. Ibid., pag. 646 et 195.