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DES SYSTÈMES HISTORIQUES.

des terres conquises, que la monarchie avait été d’abord élective et la royauté soumise au contrôle d’assemblées délibérantes ; il était vrai que les cités gallo-romaines avaient conservé leur régime municipal sous la domination des Barbares ; il était vrai enfin que la royauté franke avait essayé de continuer en Gaule l’autorité impériale, et cette tentative, reprise d’époque en époque, après des siècles d’intervalle, ne fut jamais abandonnée. Ainsi la noblesse, la bourgeoisie, le clergé, les légistes, avaient raison d’attester le passé en faveur de leurs doctrines contraires ou divergentes sur la nature de la société et le gouvernement de l’état ; il se trouvait, sous chacune de ces croyances, un fonds de réalité vivace que le progrès scientifique pouvait modifier, compléter, transformer, mais non détruire. Elles furent, l’une après l’autre, soulevées par la science qui, en s’y appliquant, fit naître ce genre de livres, moitié histoire, moitié pamphlet, où l’érudition, plus ou moins solide, plus ou moins ingénieuse, est mise en quelque sorte au service d’une passion politique, et où l’esprit de système n’est qu’un reflet de l’esprit de parti, espèce d’ouvrage qui, selon la remarque d’un savant étranger, semble particulière à la France[1]. Chez nous, en effet, l’histoire abstraite et spéculative dans des vues de polémique sociale a eu, depuis le réveil des études jusqu’à ces derniers temps, une importance démesurée ; elle a dominé, d’une manière fâcheuse, sur les recherches désintéressées et sur l’histoire proprement narrative. Voici dans quelles circonstances parut, en 1574, le premier écrit de ce genre, écrit remarquable en lui-même, autant qu’il l’est, d’ailleurs, par sa date.

François Hotman, l’un des plus savans jurisconsultes du XVIe siècle, fut attiré à la religion réformée par la vue de l’héroïque fermeté des luthériens qui subirent à Paris le supplice du feu[2]. Il entra de bonne heure en relation intime avec les chefs du parti protestant ; et adopta leurs principes politiques, mélange des vieilles traditions d’indépendance de l’aristocratie française avec l’esprit démocratique de la Bible et l’esprit républicain de la Grèce et de Rome. Hotman se passionna pour ces doctrines comme pour la foi nouvelle, et répudia les théories de droit public que les hommes de sa profession puisaient dans l’étude journalière des lois romaines impériales. Il prit en égale aversion la monarchie absolue et l’autorité des parlemens judiciaires, et se fit un modèle de gouvernement où la royauté

  1. Savigny, Histoire du Droit romain au moyen-âge, préface, pag. 25.
  2. Vie de François Hotman, en tête de ses Œuvres, pag. 4.