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DES SYSTÈMES HISTORIQUES.

même but les passions politiques qui divisaient ses contemporains ; « ainsi notre chose publique, fondée et établie sur la liberté, a duré onze cents ans dans son état primitif, et elle a prévalu, même à force ouverte et par les armes, contre la puissance des tyrans[1]. »

C’est du livre de François Hotman que les idées de monarchie élective et de souveraineté nationale passèrent dans le parti de la ligue, parti qui, selon son origine toute municipale et plébéienne, devait naturellement se rallier à d’autres traditions, à celles de la bourgeoisie d’alors, et pour lequel ces doctrines d’emprunt ne pouvaient être qu’une ressource extrême et passagère[2]. Quelque éloigné que soit de la vérité historique le système du jurisconsulte protestant, on doit lui reconnaître le mérite de n’avoir point eu de modèle, et d’avoir été construit tout entier sur des textes originaux, sans le secours d’aucun ouvrage de seconde main. En 1574, il n’en existait pas encore de ce genre ; Étienne Pasquier travaillait à ses recherches plus ingénieuses qu’érudites, elles n’avaient pas paru dans leur ensemble, et d’ailleurs elles étaient trop peu liées, trop capricieuses et trop indécises dans leurs conclusions, pour fournir le moindre appui à une théorie systématique ; les compilations plus indigestes et plus chargées de science de Fauchet et de Dutillet ne virent le jour que plus tard. Ainsi François Hotman ne dut rien qu’à lui-même, et la témérité de ses conjectures, ses illusions, ses méprises, lui appartiennent en propre, aussi bien que la hardiesse de ses sentimens presque républicains. Du reste, son érudition était saine en grande partie, et la plus forte qu’il fût possible d’avoir alors sur le fonds de l’histoire de France. Il traite quelquefois avec un bon sens remarquable les points secondaires qu’il touche en passant. Par exemple, il reconnaît dans l’idiome de la Basse-Bretagne un débris de la langue des anciens Gaulois ; il soutient, contre le préjugé universel de son temps, que la loi salique n’a rien statué sur la succession royale et ne renferme que des dispositions relatives au droit privé ; il marque d’une manière assez exacte l’habitation des Franks au-delà du Rhin, et se montre inébranlable dans l’opinion de leur origine purement germanique[3].

Dans cet opuscule tout rempli de citations textuelles et formé de

  1. Ut facile intelligatur, rempublicam nostram, libertate fundatam et stabilitam, annos amplius centum et mille statum illum suum liberum et sacrosanctum, etiam vi et armis, adversus tyrannorum potentiam retinuisse. (Franco-Gallia, pag. 128.)
  2. Voyez Bayle, Dictionnaire historique, article Hotman.
  3. Franco-Gallia, pag. 26 et 61.