Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 16.djvu/772

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
768
REVUE DES DEUX MONDES.

au corps législatif, il fut bientôt désigné par les suffrages de ses collègues au choix du Consul pour la présidence. Poète d’avant 89, critique de 1800, il va devenir orateur impérial. La même distinction le suit partout : son nom y gagne et s’étend. Toutefois ces palmes entrecroisées se supplantent un peu et se nuisent. Ce qui augmenta sa considération de son vivant, ne saurait servir également sa gloire.

J’irais plus haut peut-être au temple de Mémoire,
Si dans un genre seul j’avais usé mes jours,

a dit La Fontaine, lequel pourtant n’était ni recteur ni président d’aucun conseil sous Louis XIV.

Un avantage demeure, et il est grand : le caractère historique remplace à distance l’intérêt littéraire pâlissant. Il n’est pas indifférent, devant la postérité, d’avoir figuré au premier rang dans le cortége impérial, et d’y avoir compté par sa parole. Ces discours, présentés dans de sobres échantillons, suffisent à marquer l’époque qu’ils ornèrent, et où ils parurent d’accomplis témoignages de contenance toujours digne, de flatterie toujours décente, et de réserve parfois hardie. M. de Fontanes n’avait nullement partagé les idées de la fin du XVIIIe siècle sur la perfectibilité indéfinie de l’humanité, et la révolution l’avait plus que jamais convaincu de la décadence des choses, du moins en France. Il l’a dit dans une belle ode :

Hélas ! plus de bonheur eût suivi l’ignorance !
Le monde a payé cher la douteuse espérance
D’un meilleur avenir ;
Tel mourut Pélias, étouffé par tendresse
 Dans les vapeurs du bain dont la magique ivresse
Le devait rajeunir.

Après le bain de sang, après les triumvirs et leurs proscriptions, que faire ? qu’espérer ? Le siècle d’Auguste eût été l’idéal ; mais, pour la gloire des lettres, ce siècle d’Auguste, en France, était déjà passé avec celui de Louis XIV. Ainsi désormais, c’était, au mieux, un siècle d’Auguste sans la gloire des lettres ; c’était un siècle des Antonins, qui devenait le meilleur espoir et la plus haute attente de Fontanes. Son imagination, grandement séduite par le glorieux triomphateur, y comptait déjà. L’assassinat du duc d’Enghien lui tua son Trajan. Il continua pourtant de servir, enchaîné par ses antécédens, par ses devoirs de famille, par sa modération même. Il était monarchiste par goût, par principe : « Un pouvoir unique et per-