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POÈTES ET CRITIQUES LITTÉRAIRES DE LA FRANCE.

travers son admiration, que, dans le potentat de génie, perçait toujours au fond le soldat qui trône ; et il en revenait par comparaison dans son cœur à ses rêves de Louis XIV et du bon Henri, au souvenir de ces vieux rois qu’il disait formés d’un sang généreux et doux.

Ce que nous tâchons là de saisir et d’exprimer dans son mélange en pur esprit de vérité, ce que Napoléon tout le premier sentait et rendait si parfaitement lorsqu’il écrivait de Fontanes à M. de Bassano : « Il veut de la royauté, mais pas la nôtre : il aime Louis XIV et ne fait que consentir à nous, » la suite des vers qu’on possède aujourd’hui le dit et l’achève mieux que nous ne pourrions. Car le haut dignitaire de l’empire ne cessa jamais d’être poète, et, comme ce berger à la cour, que la fable a chanté, et à qui il se compare, il eut toujours sa musette cachée pour confidente. Eh bien ! qu’on lise, qu’on se laisse faire ! l’explication, l’excuse naturelle naîtra. Dans ses vers, si les griefs exprimés contre Bonaparte restèrent secrets, les éloges, prodigués tout à côté, ne devinrent pas publics. S’il se garda bien de divulguer l’Ode au duc d’Enghien, il s’abstint aussi de publier l’Ode sur les Embellissemens de Paris. C’est une consolation pour ceux qui jugent les éloges de ses discours exagérés, de les retrouver dans ses poésies, où ils ont certes deux caractères parfaitement nobles, la conviction et le secret. Fontanes, sous son manteau d’orateur impérial, n’était pas une nature de courtisan et de flatteur, comme on l’a tant cru et dit. Un jour, l’empereur lui demandait de lui réciter des vers, il désirait la pièce sur les Embellissemens de Paris dont il avait entendu parler : Fontanes lui récita des vers de la Grèce sauvée qui étaient plutôt républicains. — Un affidé de l’empereur vint un jour et lui dit : « Vous ne publiez rien depuis longtemps, publiez donc des vers, des vers où il soit question de l’empereur : il vous en saurait gré, il vous enverrait 100,000 francs, je gage ! » Ces sortes de gratifications étaient d’usage sous l’empire, et elles ne venaient jamais hors de propos à cause des frais énormes de représentation qui absorbaient les plus gros appointemens. Fontanes raconta l’insinuation à une personne amie, qui lui dit : « Vous pourriez publier les vers sur les Embellissemens de Paris ; ils sont faits,

    avait dans les yeux l’apothéose du regard ? Et puis Talma s’est beaucoup varié sur les dernières années et a grandi dans des rôles modernes. M. de Fontanes, qui s’en tenait aux anciens, s’irritait surtout qu’on en vînt à causer comme de la prose le beau vers racinien un peu chanté. — Souvent, dans ces conversations du soir, l’empereur indiquait à Fontanes et développait à plaisir d’étonnans canevas de tragédies historiques ; le poète en sortait tout rempli.