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Eh ! oui, avait-il riposté, et ce qu’il y a de pis, c’est que c’est admirable ! »

Nous avons franchi les endroits les plus difficiles de la vie politique de M. de Fontanes, et nous avons cherché surtout à expliquer l’homme, à retrouver le poète dans le personnage, sans altérer ni flatter. La pente qui nous reste n’est plus qu’à descendre. Il alla voir à Saint-Denis Louis XVIII revenant, qui l’accueillit bien, comme on le peut croire. Diverses sortes d’égards et de hauts témoignages, le titre de ministre d’état et d’autres ne lui manquèrent pas. Il ne fit rien d’ailleurs pour reconquérir la situation considérable qu’il avait perdue. Il fut, à la chambre des pairs, de la minorité indulgente dans le procès du maréchal Ney. Les ferveurs de la chambre de 1815 ne le trouvèrent que froid : monarchien décidé en principe, mais modéré en application, il inclina assez vers M. Decazes, tant que M. Decazes ne s’avança pas trop. Quand il vit le libéralisme naître, s’organiser, M. de Lafayette nommé à la chambre élective, il s’effraya du mouvement nouveau qu’il imputait à la faiblesse du système, et revira légèrement. On le vit, à la chambre des pairs, parler, dans la motion Barthélemy, pour la modification de la loi des élections qu’il avait votée en février 1817, et bientôt soutenir, comme rapporteur, la nouvelle loi en juin 1820. Tout cela lui fait une ligne politique intermédiaire, qu’on peut se figurer, en laissant à gauche le semi-libéralisme de M. Decazes, et sans aller à droite jusqu’à la couleur pure du pavillon Marsan.

En 1819, une grande douleur le frappa. M. de Saint-Marcellin, jeune officier, plein de qualités aimables et brillantes, mais qui ne portait pas dans ses opinions politiques cette modération de M. de Fontanes, et de qui M. de Châteaubriand a dit que son indignation avait l’éclat de son courage, fut tué dans un duel, à peine âgé de vingt-huit ans. La tendresse de M. de Fontanes en reçut un coup d’autant plus sensible qu’il dut être plus renfermé.

M. de Châteaubriand, à l’époque où il forma, avec le duc de Richelieu, le premier ministère Villèle, avait voulu rétablir la grande maîtrise de l’université, en faveur de M. de Fontanes. Au moment où il partait pour son ambassade de Berlin, il reçut ce billet, le dernier que lui ait écrit son ami :

« Je vous le répète : je n’ai rien espéré, ni rien désiré, ainsi je n’éprouve aucun désappointement.

« Mais je n’en suis pas moins sensible aux témoignages de votre amitié : ils me rendent plus heureux que toutes les places du monde. »