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REVUE. — CHRONIQUE.

d’arracher quelques lambeaux de son dernier pamphlet pour en faire un passage de la réponse de la chambre au discours de la couronne. Après un tel exemple de rigorisme et d’abnégation, le tiers-parti aurait mauvaise grace à faire éclater ses principes et à vouloir les faire dominer dans l’adresse. En attendant, M. de Broglie montait à la tribune de la chambre pour y jouer contre M. Molé la partie du portefeuille des affaires étrangères, qui n’a pas été perdue par M. Molé, nous ne le croyons pas. Il est vrai que ce n’est pas l’avis du Journal Général, organe des doctrinaires, qui s’est écrié le lendemain que le discours du noble pair est un monument qui fera époque, à quoi le Constitutionnel répondait aujourd’hui, avec une sorte d’inquiétude, que le ministère sera attaqué à la chambre des députés par des adversaires plus redoutables que ceux qu’il a trouvés à la chambre des pairs. Nous verrons bien.

Nous sommes habitués à ce langage de la part de l’opposition. Le lendemain du jour où M. de Broglie prononça son discours, et le matin du jour où M. Molé devait répondre, le Constitutionnel n’annonçait-il pas que le ministère, déjà battu sur deux questions, serait complètement battu ce jour-là sur la troisième ? Et remarquez que ces questions où le ministère avait été battu, c’était d’abord la question de Belgique, si poétiquement, mais si peu politiquement défendue par M. de Montalembert, par M. Villemain qui plaçait les forts de Lillo et de Liefkenshoeck aux bouches de la Meuse, et qui ignorait l’existence du protocole 48, par lequel il était convenu que la conférence s’occuperait de la révision de la partie financière du traité des 24 articles ! C’était la question du refus de sépulture de M. de Montlosier et subsidiairement du rétablissement des jésuites, soutenue contre le ministère par M. Cousin, à qui M. Barthe s’était contenté de répondre, sur le premier point, que l’affaire était déférée au conseil d’état, où elle a été jugée contre l’évêque, et, sur le second, que le ministère actuel a trouvé Saint Acheul ouvert et qu’il l’a fermé. Quant au discours de M. de Broglie, nous l’admirons autant que peut le faire l’opposition ; nous reconnaissons tout le talent, toute la modération qui distinguent ce morceau, et, Dieu merci ! nous ne refusons pas le talent, comme on le fait du côté de nos adversaires, à tous ceux qui ne professent pas nos opinions ; mais nous en appelons à tous les hommes impartiaux, qu’est-il resté du discours de M. le duc de Broglie après la réponse si claire, si droite et si sensée que lui a faite M. Molé ? Il y a une manière très simple d’assurer le succès de ses prophéties. Elle consiste à les accomplir soi-même, et c’est ce que fait l’opposition. Elle avait affirmé que le ministère serait battu le lendemain du discours de M. le duc de Broglie ; le lendemain, elle a déclaré, avec toute sorte d’assurance, que le ministère avait été battu. M. Molé doit se le tenir pour dit, il aura beau renverser les argumens de ses adversaires, leur opposer la politique des ministères qu’ils ont loués, les faits publics, leurs propres actes, leurs discours ; il montrera vainement le sens le plus droit, une simple et ferme logique qui ne fait grace de rien à ses adversaires, et qui triomphe avec une noble modé-