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VOYAGEURS ET GÉOGRAPHES MODERNES.

de l’Orénoque et de l’Amazone, les pampas argentins, la péninsule patagonienne ; tout cela n’est-il pas à revoir, à reconnaître, même après Long, Clarke, Franklin, Mackensie, Spix et Weddel ? L’Océanie n’a-t-elle plus d’îlots coralligènes à révéler aux navigateurs, et les lignes de la Nouvelle-Louisiade ne restent-elles pas indéterminées sur toutes les cartes du monde maritime ? Les terres boréales ont été explorées, on a constaté les gisemens du Spitzberg et de la Nouvelle Zemble ; mais que sait-on des régions australes, même après Weddel et d’Urville ? N’y a-t-il là qu’une immense concrétion de glaces, ou faut-il voir dans le Nouveau-Shetland et dans les îles Orkney les sentinelles avancées de terres plus considérables ? À part quelques points battus et colonisés du littoral australien, ne vit-on pas dans l’ignorance la plus absolue sur ce vaste continent qui n’a pas moins de deux mille lieues de périmètre ? Quant à l’Afrique, elle est encore comme au temps des anciens, un abîme, un labyrinthe où s’égarent les voyageurs quand le minotaure ne les dévore pas. Les sources du Nil n’ont rien perdu de leur inviolabilité antique ; elles sont aussi fabuleuses que du temps d’Hérodote ; Tombouctou reste à retrouver après M. Caillié, et le Congo a besoin d’une autorité moins apocryphe que celle de M. Douville. Centre, littoral, zône équatoriale ou zône tempérée, depuis le revers de l’Atlas jusqu’aux plateaux du cap de Bonne-Espérance, depuis les côtes de la Guinée jusqu’à celles du Zanguebar, sous tous ses méridiens et sous tous ses parallèles, l’Afrique demeure encore un problème que notre époque ne peut résoudre et dont le temps seul peut dégager toutes les inconnues.

C’est ce lot réservé, cette tâche de l’avenir qui condamnent la science actuelle à des synthèses provisoires. Ce que nous en disons n’est pas pour déprécier de tels travaux ; ils sont utiles, ils sont louables, ils servent au progrès des sociétés humaines. D’ailleurs, toutes les connaissances, filles de l’observation, en sont au même point ; elles marchent par étapes, et Dieu seul peut dire où sera le bout du chemin.

EXAMEN DE L’ABRÉGÉ DE GÉOGRAPHIE[1].

Tant que la géographie sera circonscrite dans le cercle d’une compilation plus ou moins heureuse, et que des esprits supérieurs n’auront pas essayé de la conduire au ciel des idées par la mystérieuse

  1. Ce travail a été fait sur l’édition de 1833, celle que M. Balbi a corrigée et surveillée. Nous n’avons pas à nous occuper d’une édition postérieure, faite par l’éditeur et loin des yeux de l’auteur. C’est M. Balbi lui-même que nous avons voulu juger.