Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
GLASGOW.

ville que nous connaissions. Le ton solide et chaud de ces constructions que le temps seul a marbrées de nuances brunes, olivâtres ou dorées, et la lumière rousse du soleil dont les rayons ont peine à traverser le nuage de vapeurs qui recouvre cette partie de la ville, donnent au coloris de ce tableau une incomparable vigueur. La foule qui s’agite dans cette rue, la plus fréquentée de Glasgow, y ajoute le mouvement et la vie. Ce sont des passans aux costumes variés : montagnards en tartan, soldats highlandais, femmes de Glasgow vêtues d’étoffes à carreaux de couleurs diverses, gens du port, négocians, ouvriers, bourgeois, qui couvrent les trottoirs, et vont et viennent d’un air affairé. Cette foule forme, dans l’éloignement, une masse noire et compacte que sillonnent, dans tous les sens, d’élégans équipages de luxe ou d’énormes chariots peints, chargés de tonneaux, de balles de coton, de toutes sortes de denrées du commerce, et traînés par de monstrueux chevaux aux harnais luisans, ornés de cuivre poli. Ce mouvement de la Trongate se communique de proche en proche jusque dans l’est de la ville et va mourir vers la route d’Édimbourg et le Green.

Le Green est la promenade de Glasgow. C’est une immense pelouse qui s’étend du pied de la colline où est bâtie la ville haute jusqu’aux bords de la Clyde. Les arbres y sont beaucoup trop rares, et l’herbe, constamment foulée par les pieds des passans, ne semble pousser que par miracle sur ce terrain aride. Des sentiers sablés ont été tracés sur la verdure ; mais les habitans de Glasgow sont trop affairés pour se complaire à en suivre les sinuosités : ils prennent le plus court chemin, de sorte qu’en beaucoup d’endroits le gazon est pelé et le sol mis à nu. Le Green, comme on voit, ne manque pas d’analogie avec le Green-Park de Londres. Seulement les arbres y sont encore plus rares, de sorte que l’hiver, lorsque le vent de mer souffle, on court grand risque d’être emporté dans la Clyde, et que, durant l’été, on n’évite d’être brûlé par le soleil qu’en faisant de longs détours. Le Green renferme un espace de deux cents acres environ de terrain ; comme le Champ-de-Mars à Paris, ce n’est guère qu’une belle place de manœuvres.

Au milieu du Green s’élève le monument de Nelson. À Édimbourg, ce monument est une colonne navale ; ici c’est un obélisque quadrangulaire de cent cinquante pieds de haut, construit de gros blocs de pierre bise. Sur l’une des faces de la base, une inscription laconique indique la date et la destination du monument. Sur les trois autres faces, on s’est contenté d’inscrire les trois mots suivans : Copenhague, Aboukir, Trafalgar.

Peu de temps après son érection, dans l’été de 1810, cet obélisque fut frappé par la foudre, qui disjoignit les blocs du sommet, de telle sorte qu’on eut grand’peine à les remettre en place. Le monument de Nelson est bâti en face de la prison de la ville, the New-Jail. Le voisinage de la prison n’intimida nullement les voleurs, qui, il y a une douzaine d’années, profitèrent d’une nuit de brouillard pour enlever quelques-unes des lettres des inscriptions latérales. Ces lettres sont en bronze et d’un poids considérable. Les voleurs employèrent une partie de la nuit à détacher l’u de Copenhague, le