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Dixon soutint bravement une première épreuve ; mais, quand le bourreau monta pour la seconde fois sur son corps, ses forces étaient épuisées ; il avoua tout ce que l’on voulut, et demanda avec instance que la peine capitale lui fût appliquée sur-le-champ. Ce sont là de ces prières que la justice n’écoute jamais : comme le destin, elle est inflexible et ne frappe qu’à son heure. Or, cette fois, l’heure n’était pas venue. Dixon, réservé pour l’époque des exécutions publiques, qui se faisaient alors tous les trois mois, fut conduit dans un cachot où on le renferma en compagnie de quelques misérables condamnés comme lui au dernier supplice.

On se figure aisément le désespoir de miss Flora, quand elle eut connaissance de la condamnation de son amant. N’écoutant que sa passion, elle alla trouver le magistrat auquel elle fit généreusement l’aveu complet de son amour pour Dixon, lui racontant comme à un confesseur toutes les circonstances de leurs entrevues nocturnes. « Il ne peut être coupable, s’écriait-elle en sanglottant, car toute cette nuit du vol, il l’a passée à mes côtés dans ma chambre ; j’étais près de l’ouverture de la haie quand il est entré dans la maison, et, quand il m’a quittée, je l’ai reconduit jusqu’à cette ouverture que j’ai refermée moi-même avec des branchages. »

Le magistrat écouta froidement cette déclaration de la jeune fille. « Vous aimez Dixon, lui dit le juge, il est naturel que vous vouliez le sauver, mais la justice ne peut admettre une déposition que dicte évidemment la passion : nul autre que Dixon n’a pu s’introduire dans la maison de votre père et commettre ce vol. Il est coupable, il l’a avoué ; justice sera faite ! » Miss Flora se retira en proie au plus violent désespoir, décidée à ne point survivre à son amant. Le ciel voulut que vers ce temps-là deux fameux voleurs fussent arrêtés et condamnés à mort, comme Dixon, pour divers vols commis avec effraction dans d’autres quartiers de Glasgow. Après leur condamnation, ils furent renfermés dans le même cachot que Dixon. Enchaînés chacun dans un coin de la prison, ils ne pouvaient ni s’approcher, ni se toucher, mais ils pouvaient se parler. Les nouveaux venus furent étonnés de l’extrême jeunesse et de la bonne mine de leur compagnon. Ils l’interrogèrent, et celui-ci leur raconta naïvement son histoire, que les malfaiteurs écoutèrent avec un singulier intérêt. — Comment ! tu es là pour le vol commis dans la maison du vieux Fraser ? lui dit l’un d’eux quand il eut achevé. — Oui, c’est là mon seul crime. — Il serait plaisant de le laisser pendre, ajouta l’un des deux voleurs. — Il serait plus plaisant encore de montrer à ses juges combien ils sont stupides. — Que voulez-vous dire ? reprit le jeune homme. — Que nous seuls avons commis le crime, pour lequel tu es condamné, et pour lequel tu dois être pendu. — En vérité ! Oh ! par pitié, sauvez-moi ! — Volontiers, d’autant mieux que cela ne nous fera pas pendre une fois de plus ; mais cependant à une condition. — Laquelle ? — À la condition que tu rachèteras nos corps que Nichol le bourreau a sans doute déjà vendus aux chirurgiens de Glasgow. — Je vous le promets. — Et qu’ensuite tu feras dire deux messes catholiques pour chacun de nous ; car nous sommes Irlandais et bons catholiques. — Je