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SPIRIDION.

puisse descendre. Purifie-le comme une maison qu’on orne et qu’on parfume pour recevoir un hôte chéri. Jusque-là que puis-je faire avec toi ?

La voix se tut, et je parlai en vain : elle ne me répondit plus. J’étais seul dans les ténèbres. Je me sentis tellement ému, que je fondis en larmes. Je repassai toute ma vie dans l’amertume de mon cœur. Je vis qu’elle était, en effet, un long combat et une longue erreur ; car j’avais toujours voulu choisir entre ma raison et mon sentiment, et je n’avais pas eu la force de faire accepter l’un par l’autre. Voulant toujours m’appuyer sur des preuves palpables, sur des bases jetées par l’homme, et ne trouvant pas ces bases suffisantes, je n’avais eu ni assez de courage, ni assez de génie pour me passer du témoignage humain, et pour le rectifier avec cette puissante certitude que le ciel donne aux grandes ames. Je n’avais pas osé rejeter la métaphysique et la géométrie là où elles détruisaient le témoignage de ma conscience. Mon cœur avait manqué de feu, partant mon cerveau de puissance, pour dire à la science : C’est toi qui te trompes ; nous ne savons rien, nous avons tout à apprendre. Si le chemin que nous suivons ne nous conduit pas à Dieu, c’est que nous nous sommes trompés de chemin. Retournons sur nos pas et cherchons Dieu, car nous errons loin de lui dans les ténèbres, et les hommes ont beau nous crier que notre habileté nous a faits dieux nous-mêmes, nous sentons le froid de la mort, et nous sommes entraînés dans le vide, comme des astres qui s’éteignent et qui dévient de l’ordre éternel.

À partir de ce jour, je m’abandonnai aux mouvemens les plus chaleureux de mon ame, et un grand prodige s’opéra en moi. Au lieu de me refroidir moralement avec la vieillesse, je sentis mon cœur, vivifié et renouvelé, rajeunir à mesure que mon corps penchait vers la destruction. Je sens la vie animale me quitter comme un vêtement usé ; mais, à mesure que je dépouille cette enveloppe terrestre, ma conscience me donne l’intime certitude de mon immortalité. L’ami céleste est revenu souvent, mais n’attends pas que j’entre dans le détail de ses apparitions. Ceci est toujours un mystère pour moi, un mystère que je n’ai pas cherché à pénétrer, et sur lequel il me serait impossible d’étendre le réseau d’une froide analyse : je sais trop ce qu’on risque à l’examen de certaines impressions ; l’esprit se glace à les disséquer, et l’impression s’efface. Quoique j’aie cru de mon devoir d’établir mes dernières croyances religieuses le plus logiquement possible dans quelques écrits dont je te fais le dé-