Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/225

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
221
SPIRIDION.

ces questions difficiles : le temps m’eût manqué. J’ai entendu parler de Mesmer ; je ne sais si c’est un imposteur ou un prophète ; je me méfie de ce que j’ai entendu rapporter, parce que les assertions sont trop hardies et les prétendues preuves trop complètes pour un ordre de découvertes aussi récent. Je ne comprends pas encore ce qu’ils entendent par ce mot magnétisme ; je t’engage à examiner ceci en temps et lieu. Pour moi, je n’ai pas eu le loisir de m’égarer dans ces propositions hardies ; j’ai évité même de me laisser séduire par elles. J’avais un devoir plus clair et plus pressé à accomplir, celui d’écrire, sous l’impression de mes entretiens avec l’Esprit, les fragmens brisés de ma méditation éternelle.

Ici, Alexis s’interrompit, et posa sa main sur un livre que je connaissais bien pour le lui avoir souvent vu consulter, à mon grand étonnement, bien qu’il ne me parût formé que de feuillets blancs. Comme je le regardais avec surprise, il sourit :

Je ne suis pas fou, comme tu le penses, reprit-il ; ce livre est criblé de caractères très lisibles pour quiconque connaît la composition chimique dont je me suis servi pour écrire. Cette précaution m’a paru nécessaire pour échapper à l’espionnage de la censure monastique. Je t’enseignerai un procédé bien simple au moyen duquel tu feras reparaître les caractères tracés sur ces pages, quand le temps sera venu. Tu cacheras ce manuscrit en attendant qu’il puisse servir à quelque chose, si toutefois il doit jamais servir à quoi que ce soit : cela, je l’ignore. Tel qu’il est, incomplet, sans ordre et sans conclusion, il ne mérite pas de voir le jour. C’est peut-être à toi, c’est peut-être à quelque autre, qu’il appartient de le refaire. Il n’a qu’un mérite, c’est d’être le récit fidèle d’une vie d’angoisse, et l’exposé naïf de mon état présent.

— Et cet état, m’est-il permis, mon père, de vous demander de me le faire mieux connaître ?

— Je le ferai en trois mots qui résument pour moi la théologie, répondit-il en ouvrant son livre à la première page : Croire, espérer, aimer. Si l’église catholique avait pu conformer tous les points de sa doctrine à cette sublime définition des trois vertus théologales : la foi, l’espérance, la charité, elle serait la vérité sur la terre, elle serait la sagesse, la justice, la perfection. Mais l’église romaine s’est porté le dernier coup ; elle a consommé son suicide le jour où elle a fait Dieu implacable et la damnation éternelle. Ce jour-là, tous les grands cœurs se sont détachés d’elle ; et, l’élément d’amour et de miséricorde manquant à sa philosophie, la théologie chrétienne n’a