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évangile surgir, une loi nouvelle réformer, perfectionner, remplacer l’ancienne loi. Et quand j’ai vu que je m’étais trompé, que j’avais marché par un rude chemin pour aboutir à un impasse, le désespoir s’est emparé de moi, la fièvre s’est allumée dans mon sang, mon ame s’est brisée, et voilà que mon corps penche vers la tombe. Mais à cette heure solennelle, une vision bienfaisante est venue me rendre le calme et la confiance. Le Christ m’est apparu, comme une ombre flottante suspendue entre la terre et le ciel. Prosterné et comme affaissé sur lui-même, je l’ai vu joncher de ses beaux cheveux le gravier de la montagne, à l’heure de sa dernière prière, de sa dernière méditation. Des larmes amères inondaient ses joues pâles. Une sueur froide coulait sur ses membres exténués. Il disait : — Seigneur, seigneur, pourquoi vous êtes-vous retiré de moi ? Vérité, vérité, pourquoi, à l’heure où je croyais vous saisir, me semblez-vous inaccessible, comme la cime d’une montagne qui toujours grandit et se perd dans les nuées à mesure qu’on marche pour y atteindre ! — Et j’ai entendu résonner, parmi le feuillage des oliviers que blanchissait la lune, une voix plus douce que la brise de la nuit, plus harmonieuse que la voix de la mer calme sur le rivage galiléen, plus mélancolique que celle de la cigale, qui chante dans un jour brûlant sur le figuier dépouillé ; c’était la voix de l’ange que Dieu envoyait à son serviteur bien-aimé. Et Jésus reconnut cet ange ; car c’était l’esprit de Moïse, qui déjà lui était apparu une fois, et venait l’aider à boire le calice d’amertume. Et l’esprit dit à Jésus : — Comme toi, j’ai souffert ; comme toi, j’ai travaillé ; comme toi, j’ai invoqué le Seigneur, et, comme toi, j’ai erré dans les ténèbres du doute et de l’ignorance. J’ai salué, moi aussi, des lueurs divines ; et après avoir, comme toi, sué le sang et l’eau sur la montagne pour entrer en communion avec l’Esprit saint, j’ai senti sur ma tête le souffle brûlant de l’inspiration divine, et j’ai osé écrire d’une main ferme, sur la pierre du Sinaï, une loi nouvelle pour la race humaine. Tu es venu, non pour détruire mon œuvre, mais pour le continuer, l’épurer et le sanctifier. Tu es mon fils ; tu es la chair de ma chair, l’esprit de mon esprit. Sois béni, sois consolé, sois fortifié ; car tu as fait de grandes choses, et ton règne sera long sur la terre. — Mais Jésus gémissait encore, et il disait : — père de la loi judaïque ! ô grand homme ! ô philosophe inspiré ! toi aussi, tu as fait de grandes choses, et ton règne a été long sur la terre ; et pourtant ta loi a fait aux hommes de grands maux. Tu n’as pu extirper la brutalité de l’idolâtrie qu’en promulguant des lois sanguinaires ; et, outre les effets